Ici on est colère, probablement autant que Meilin Lee aka Mei Mei dans Alerte Rouge. On est en colère depuis que Disney a annoncé l’annulation de la sortie du film en salles pour privilégier leur plateforme de SVOD. Et on est encore plus en colère parce que cela fait maintenant trois films estampillés Pixar que la firme aux grandes oreilles laisse au placard (coucou Soul et Luca) là où Alerte rouge largement mérité une sortie sur de très grands écrans tant son sujet est important et peu abordé dans le cinéma d’animation.
Vous le connaissez ce moment de la pré-adolescence, plus vraiment enfant mais pas non plus adolescent·e. Les premières amours, la dévotion la plus absolue pour le boys band du moment, les ami·es au collège mais aussi les premières disputes avec les parents, les incompréhensions et les changements physiques qui n’aident en rien à s’y retrouver. Mei Mei y est, et a du mal à l’appréhender, surtout quand sa mère très aimante voit en elle la petite fille parfaite, l’obligeant à se plier à ses désirs. Un beau matin, Mei Mei se transforme en immense panda roux dès que ses émotions sont un peu trop fortes. Un changement drastique qui n’est pas définitif, l’esprit du panda roux pouvant être enfermé à tout jamais lors de la cérémonie de la lune rouge. Sauf que, cette lune rouge n’arrive que dans un mois et en attendant, Mei Mei doit apprendre à contrôler ses émotions pour ne pas faire de vagues. Chose plus simple à dire qu’à faire.

Domee Shi a décidé de faire les choses en grand pour sa première réalisation (premier long réalisé – uniquement – par une femme chez Pixar !). Et quelle histoire que celle de la puberté. Probablement pas la plus drôle mais bien la plus complexe à vivre chez les jeunes filles. Mei Mei doit composer avec sa mère rigide mais aimante, avec son envie d’émancipation et de braver tous les interdits. La réalisatrice nous replonge dans les codes des années 2000 entre petit animal électronique à cajoler, carnets remplis de dessins du garçon dont on est secrètement amoureuse et cartable affublé de porte-clés et stickers colorés. Un univers foisonnant dans lequel elle arrive à faire cohabiter la petite et la grande histoire. La folie des années 2000 avec l’histoire plus personnelle de la famille de Mei Mei et le temple familial. Car même si c’est une petite fille canadienne comme les autres, elle est aussi chinoise et c’est tout un pan de culture que Domee Shi insuffle dans son récit et dans ses visuels plus inspirés les uns que les autres.
C’est à travers tout plein de détails qu’Alerte Rouge se démarque dans sa vision de la jeunesse, mettant au premier plan des problèmes qu’on évoque trop peu, comme les premières règles. Une scène jouée sur le ton de l’humour pour dédramatiser ce moment qui semble si fatidique. Pour la première fois dans un film d’animation, une mère brandit fièrement un paquet de serviettes hygiéniques à sa fille (en plus de tout l’attirail pour y faire face entre médicaments et bouillottes). Un détail qui peut paraître futile mais qui semble plus nécessaire à l’heure où les représentations sont importantes (merci Encanto et Alerte Rouge de nous avoir offert des personnages principaux avec des lunettes !). Quel plaisir de découvrir des personnages de couleurs, d’ethnies différentes mais aussi aux caractères et aux morphologies qui ne rentrent pas dans le moule pré-fabriqué de la société.

Le film évoque avec brio les relations parents-enfants à cet âge incongru. Mei Mei est constamment sous pression pour faire plaisir à sa famille : bonnes notes, comportement adéquat, dévotion envers le temple et activités extrascolaires. Des efforts qui ne sont que peu récompensés lorsque sa mère lui interdit d’aller assister au concert des 4*Town. L’histoire de Mei Mei parle autant aux jeunes qui doivent apprendre à se libérer des contraintes pour embrasser pleinement qui iels sont (on a tous un petit panda qui sommeille en nous et qui ne demande qu’à être accepté et apprivoisé) qu’aux parents qui doivent accepter le fait que leur enfant grandisse et qu’il n’est pas possible – ni sain – de projeter ses envies et ses idéaux sur luiel. Dernier point, et pas des moindres, il est assez plaisant de voir les hommes relégués au second plan : un père de famille totalement mutique face à sa femme, le petit bourreau qui s’avère être un ultra fan des 4*Town ou la cérémonie de la lune rouge qui n’inclut que les femmes de la famille. Une sororité bienveillante et revigorante (également compréhensible par le fait que la majorité de l’équipe du film est composée de femmes).
Véritable bouffée d’air frais qui aurait largement mérité une sortie dans les salles de cinéma, Alerte Rouge est un film qui sait filmer la pré-adolescence et toutes ses petites (ou grosses) turbulences qui rythment le quotidien avec humour, vérité mais aussi avec un regard rempli d’amour pour cette galerie de personnages totalement loufoque. Une jolie preuve que Domee Shi est une réalisatrice à suivre de très près.
Alerte Rouge de Domee Shi. Écrit par Domee Shi, Julia Cho. Avec les voix de Rosalie Chiang, Sandra Oh, Ava Morse… 1h40
Sortie le 11 mars 2022 sur Disney +
Je suis totalement d’accord avec toi ! J’aurais tellement voulu voir ce film sur grand écran, même si j’ai apprécié le fait de pouvoir réagir avec ma famille sans me faire (presque) virer de la salle !
C’est d’autant plus dommage que je pense que ce genre de films peuvent permettre un meilleur dialogue et une meilleure compréhension (que ce soit du côté ados que parents).
Oui, c’est exactement ce que j’explique dans mon propre article ! C’est thérapeutique !