[CRITIQUE] Onoda, 10 000 nuits dans la jungle : Jungle psychologique

Onoda raconte le destin fou, presque impossible, du jeune Hiroo Onoda envoyé sur l’île de Lubang dans les Philippines après un entraînement militaire destiné à le former aux techniques de la guérilla. Son but ? Retarder l’invasion américaine durant la Seconde guerre mondiale. Avec une poignée d’hommes, Onoda met tout en œuvre pour mener à bien sa mission. Ce qu’il ne sait pas – et refuse d’entendre par la suite -, c’est que la guerre est terminée. Son périple dans la jungle philippine se termine… près de trente ans plus tard.

Il est assez déconcertant de retrouver à la tête d’une épopée historique japonaise un réalisateur français comme Arthur Harari qui est quasiment inconnu au bataillon (il n’avait réalisé que Diamant noir auparavant). Tourné au Cambodge avec un casting exclusivement japonais, le réalisateur fait office d’exception dans le paysage cinématographique français et c’est tant mieux parce qu’il est certain qu’il nous offre là un véritable bijou de beauté et d’intransigeance.

Onoda - 10 000 nuits dans la jungle: Shinsuke Kato, Yuya Matsuura, Yûya Endô
Le pacte

Lorsque le Major Taniguchi rencontre Onoda, c’est dans bar miteux où ce dernier peine à tenir debout. Il n’a pas réussi la formation qui le destinait à devenir un soldat, une disgrâce pour lui mais pas pour le Major qui lui propose une autre formation qui lui permet malgré tout d’aller sur le terrain. Et c’est ainsi qu’en 1944 il est envoyé sur l’île de Lubang. Les Américains sont partout et menacent l’île, Onoda a pour mission de les empêcher d’arriver en attendant que les troupes japonaises débarquent. Sauf qu’elles ne débarquent jamais. Enfin, c’est ce que pense Onoda qui s’est entre temps réfugié au fin fond de la jungle de l’île en compagnie de quelques soldats. Toute cette histoire a déjà un air romanesque.

Arthur Harari nous dépeint un homme qui a dédié sa vie à son pays avec un sens du devoir indéniable. Son Major lui a ordonné de ne pas mourir, alors Onoda ne meurt pas. Il devient même un mentor au fil du temps pour les quelques soldats qui ont fait le choix de l’accompagner dans sa mission. Une mission interminable, le temps passe, le danger est toujours partout si bien qu’Onoda voit mourir un à un ses compagnons – avec une violence toujours aussi déchirante – pour finir seul dans cette immense jungle. Outre l’aspect évidemment militaire de cette guerre, la jungle de Lubang dévoile également son aspect psychologique dans laquelle se perdent les plus faibles. On y retrouve ceux qui désertent et sont retrouvés morts quelques jours plus tard à quelques kilomètres de là et ceux qui décident de se rendre mais qui, pour Onoda, trahissent leur mission et leur métier.

Onoda - 10 000 nuits dans la jungle: Yûya Endô
Le pacte

Cette fresque historique est magnifiée de bout en bout par Tom Harari, le directeur de la photographie, qui n’est autre que le frère aîné d’Arthur Harari. Un travail minutieux qui réussit autant à capter l’immensité aussi effrayante que sublime de la jungle philippine en enfermant ses personnages dans un enfer de violences physiques et psychologiques. Heureusement, par moment, la fraternité prend le dessus, la joie d’être ensemble et de se comprendre. Des petits moments de légèreté à la plage ou dans la forêt qui permettent autant aux personnages qu’aux spectateur·ices de respirer un moment et d’admirer la beauté de la chose. Le casting est fabuleux, incarné jusqu’à la moelle osseuse. Kanji Tsuda qui incarne Onoda vieux offre une performance à fleur de peau avant d’exploser dans le dernier quart d’heure, faisant retomber ce poids qui pesait sur nos épaules depuis près de 2h30.

Onoda, 10 000 nuits dans la jungle vous hantera autant par sa beauté que par sa noirceur pendant un long moment. On en redemanderait presque.

Onoda, 10 000 nuits dans la jungle de Arthur Harari. Avec Yûya Endô, Kanji Tsuda, Yuya Matsuura… 2h47
Sortie le 21 juillet

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