Il y a des films qui se présentent devant nous, sans qu’on ne s’y attende, et qui s’imposent dans notre tête, telle une résonance faussement sourde, un impact qui laisse une trace qui s’agrandit. De bas étage s’ancre pleinement dans cette catégorie tant le premier long-métrage de Yassine Qnia, simple d’apparence, affiche un traitement des plus passionnants qui trouve une énorme réussite dans ses différents points, en particulier son acteur principal, tout autant une révélation que son metteur en scène.
Soufiane Guerrab (déjà éclatant dans Lupin) incarne Mehdi, malfrat de petit niveau qui cherche à revenir sur des bases plus saines avec son ancienne compagne et leur enfant. Pourtant, la toxicité transpire de cet anti-héros, de ce criminel qui se laisse emporter encore et encore vers le bas tout en dégageant un humanisme quasi émotif. C’est les nerfs à vif, toujours à fleur de peau et en descente permanente qu’il se dresse tout au long de la presque heure et demie du long-métrage. Dans le rôle, Soufiane Guerrab se révèle tout simplement impérial, superbe de tragédie dans un rôle qu’il habite jusque dans ses profondeurs.

Yassine Qnia amène toute une grammaire cinématographique subtile, nuancée, mais chargée en tout instant. Il sait équilibrer le traitement entre le polar, son réalisme social et une histoire d’amour désincarnée. On ressent le travail de contrôle qui sait quand faire étouffer son audience et quand faire respirer la détresse de ses personnages. C’est dans ses aspects bourrus, sa rudesse de fond et de forme que se développe tout un cœur émotionnel dévastateur par ce qu’il implique en drame permanent, notamment par sa réalité d’approche. Si l’imagerie qui s’y dessine peut dès lors être vue comme trop commune, il se dégage néanmoins dans ses meilleurs instants (qui sont nombreux) une forme de doute et de chute dans la narration qui donne envie de suivre encore plus son protagoniste malgré l’isolement dans lequel il se mure peu à peu.
Sobre mais tendu, charriant la toxicité et la tristesse avec un chagrin sincère, De bas étage se fait œuvre de surprise et de superbe par la réussite permanente de ses différents facteurs. On a hâte de revoir Soufiane Guerrab sur les écrans, aussi bien grands que petits, mais on se prépare également à suivre le reste du parcours du talentueux Yassine Qnia. Il y a dans ses images qui peuvent paraître simples d’apparences un bouillonnement cinématographique qui ne demande qu’à exploser dans une ferveur que l’on a hâte de retrouver.
De bas étage de Yassine Qnia. Écrit par Rosa Attab et Yassine Qnia. Avec Soufiane Guerrab, Souheila Yacoub, Thibault Cathalifaud… 1h27
Sorti le 4 août 2021