Aujourd’hui dans le monde, une femme meurt toutes les neuf minutes des suites d’un avortement clandestin. En Argentine, le Ministère de la santé estime entre 350 000 et 500 000 le nombre d’avortements clandestins. Des avortements effectués dans des conditions sanitaires précaires et par des non-professionnels qui entraînent très souvent des complications. À travers le combat ces argentines, c’est aussi le combat d’une société pour que chaque femme dispose de son corps comme elle l’entend.
Depuis des années, des femmes et des associations en Argentine se battent pour que l’avortement soit légal, gratuit et sûr. Alors que les députés disent “oui” à ce projet de loi en juin 2018, le Sénat rejette cette loi. Durant cette période cruciale, le réalisateur Juan Solanas a suivi cette ferveur dans les rues tout en donnant la parole à des femmes qui ont côtoyé de près ou de loin les avortements clandestins et leurs funestes conséquences.
Pourtant le long-métrage commencerait presque comme une grande fête. Des banderoles, des batteries qui donnent le rythme et des femmes qui chantent et dansent le sourire aux lèvres. Derrière toute cette bonne humeur contagieuse se cachent de vraies blessures. On quitte très vite la ville de Buenos Aires pour s’enfoncer dans les terres, dans les endroits plus reculés et plus pauvres pour découvrir différentes histoires plus bouleversantes les unes que les autres. Des histoires différentes mais qui ont un point en commun : la cruauté d’un pays sous le joug du patriarcat et lié à l’Eglise qui leur permet – sans aucune vergogne – de laisser des femmes agoniser seules dans une salle pendant des heures jusqu’à s’en évanouir. Inconcevable ? Ces situations arrivent encore de nos jours.

Femmes d’Argentine est un cri du coeur mais qui évite de verser dans le pathos ou même le manichéisme en donnant également la parole à la partie adverse notamment dans la chambre des députés ou en filmant les manifestations “pro-vie”. Le réalisateur (seul à la barre pour l’image et le son afin de rendre sa caméra d’autant plus discrète) interviewe également des médecins, des gynécologues ainsi qu’un prêtre. Ce dernier nuance d’ailleurs avec beaucoup d’intelligence son propos et ce que représente véritablement un avortement pour une femme – tout en fustigeant les mouvements “pro-vie”, comme quoi on peut faire partie de l’Eglise et être raisonné -. Le film se termine au mois d’août 2018 lorsque le Sénat rejette le projet de loi à 38 voix contre 31. Une défaite rageante même si l’on ressent dans les rues de Buenos Aires une envie d’en découdre encore plus. Une bataille est peut-être perdue mais la guerre est encore longue et des milliers de femmes sont prêtes montrer leurs armes pour acquérir leur liberté. Nous venons juste d’apprendre que le projet de loi vient d’être accepté par les députés et part une nouvelle fois au Sénat. Est-ce que la même histoire va s’écrire ou l’Argentine ouvrira-t-elle un nouveau chapitre historique ?
11 458 kilomètres nous séparent de l’Argentine et ce combat n’aura jamais autant raisonné en nous. Parce qu’il ne faut jamais oublier que la femme ne dispose pas encore de son corps dans tous les pays, que des centaines de milliers meurent chaque année car la société l’a décidé ainsi et que même si ce n’est pas notre combat direct à l’heure actuelle, le droit à l’IVG est un droit fondamental et que chaque voix compte. Même les plus lointaines.
Femmes d’Argentine de Juan Solanas. 1h26
Sortie le 11 mars. Disponible en VOD dès le 20 décembre.