La salle de shoot a bien mauvaise réputation tout comme les consommateur·ices stigmatisé·es et mis·es à l’écart de la société. Avec son documentaire Chasser les dragons, Alexandra Kandy Longuet redonne un corps, une voix et un passé à toutes ces personnes que la drogue détruit à petit feu et qui, malgré tous les obstacles, tentent de s’en sortir.
C’est à Liège en 2018 que la première salle de consommation de drogues voit le jour. Un lieu encadré par des professionnel·les de la santé où les consommateur·ices peuvent venir à leur guise pour se shooter avec le matériel adéquat et un suivi pour éviter tout incident. La réalisatrice pose sa caméra dans ce cadre de prime abord assez clinique. Tout est régi, noté, filmé pour que rien de grave ne puisse arriver. On comprend le fonctionnement de cet endroit, des petits casiers où les consommateur·ices déposent leurs affaires, la liste des salles disponibles où iels doivent écrire leur nom, le petit hall d’attente après leur consommation… Ce bal d’allers et venues prend forme humaine. On s’intéresse à chacun·e d’entre elleux pour savoir qui iels sont. Le/la drogué·e laisse place à un·e humain·e qui, en plus d’être en quête de drogue pour assouvir un besoin, est avant tout à la recherche d’une oreille. C’est là qu’Alexandra Kandy Longuet trouve une façon habile d’humaniser ses interlocuteurs et celleux qui les soutiennent, trouvent un moyen de les réconforter.
Du père de famille qui a du se battre pendant quatre ans pour faire valoir son statut auprès de son fils, de celui qui se faisait maltraiter par son père en étant obligé de se laver à l’eau de javel ou en passant par le jeune homme qui a perdu son travail et s’est retrouvé dans une spirale infernale, ces portraits brisés ne demandent qu’à trouver de l’aider et une porte de sortie. Il est tout aussi intéressant – et nécessaire – de voir qu’il n’existe pas un·e drogué·e “type”. Des vieillard·es côtoient cette salle tout comme des jeunes ou d’autres qui, par leur allure et leur façon de parler, ne laissent jamais deviner qu’iels sont bouffés par la consommation.
La réalisatrice sait se trouver à bonne distance de son sujet pour ne pas tomber dans le sensationnalisme, ne montrant jamais d’images choc (même lorsqu’un des consommateurs fait une overdose) et préférant dessiner une dimension humaine à son propos à travers ce centre qui redonne un nom ou encore une date de naissance à ces personnes que l’État a décidé de laisser de côté. La seule chose que l’on déplore est l’absence totale de consommatrices qui ont toutes refusé d’apparaître dans le documentaire.
Poignant documentaire qui s’avère même d’utilité publique, Chasser les dragons offre un nouveau visage rempli de bienveillance aux consommateur·ices de drogues tout en posant les questions de l’accompagnement nécessaire pour les sortir de là.
Chasser les dragons de et par Alexandra Kandy-Longuet. 1h