Le documentaire arrive à capter quelque chose d’instantané, le pouls d’une époque, ses problématiques et les pistes de réflexion qui en découlent. C’est dans cette optique que s’inscrit Municipale, un objet assez mystérieux et qui, à mesure de son récit, devient passionnant.
On s’en souvient, les municipales d’il y a deux ans n’ont pas été de tout repos. Record d’abstention au premier tour mais surtout une épidémie qui frappait de plein fouet le pays, obligeant ses habitant·es à se confiner et le second tour à être reporté. Municipale a subi cette période (de quoi rendre fou les scénaristes qui ont du faire des pirouettes pour s’adapter) mais ces imprévus ont permis au film d’exister, de résonner différemment. Le projet de Thomas Paulot est loin d’être commun. Lui et son équipe ont décidé d’investir la ville de Revin dans les Ardennes et d’engager un comédien qui vient se présenter aux municipales avec pour seul programme… de ne pas en avoir. Un pari qui semble impossible et pourtant, le comédien (surtout de théâtre) Laurent Papot a réussi à créer une certaine curiosité et un engouement chez certain·e habitant·es de ce petit village que la politique ne fait plus tellement rêver.
Laurent Papot débarque avec un bagout assez charmant dans ce petit village, véritable cœur industriel avant d’être frappé par la crise de la sidérurgie et de voir son principal employeur Electrolux délocaliser sa production principalement en Pologne. La crise n’a pas arrangé les affaires, la désertification s’opère tandis que celleux qui restent n’ont jusque là très peu d’espoir d’un renouveau. D’autant que la politique s’est largement complexifiée là-bas. Là où il n’existait que deux listes électorales, elle en compte désormais cinq dont une des Gilets Jaunes et pour la première fois une d’Extrême Droite. C’est dans ce contexte particulier que Laurent Papot débarque avec sa propre liste dont les enjeux sont finalement assez simples : s’il est élu, il laisse la place de Maire vacante pour permettre à la ville de s’autogérer. Un projet fou qui fait renaître les espoirs chez certain·es, nourrir une certaine méfiance chez d’autres. Mais ce dispositif est peut-être après tout un prétexte pour se plonger au plus près de la situation des petites villes, les petites gens, celleux qu’on n’entend plus et qui ont pourtant encore des revendications.

Municipale est assez déroutant sur plusieurs points. Présenté dans la catégorie Documentaire du festival, le film de Thomas Paulot s’amuse à brouiller toutes les pistes. Est-ce vraiment un documentaire à partir du moment où un véritable comédien prend place dans l’arène ? Où se situe l’espace entre fiction et réalité ? L’équipe du film dévoile dès le début leurs intentions aux habitants de Revin. La caméra pourrait biaiser le comportement des habitant·es et pourtant, à travers elleux (du/de la retraité·e en passant les partisan·es Gilets Jaunes ou encore l’adolescente de 19 ans qui se voit sans avenir professionnel), c’est la cartographie d’une ville qui se dessine sous nos yeux à travers de nouveaux enjeux politiques. Sans forcément donner de réponses, Laurent Papot offre de nouvelles pistes de réflexion à Revin mais aussi aux spectateur·ices.
Sans être dénué d’humour, ce docu-fiction – sans savoir s’il est plus documentaire que fiction – est un projet hors du commun, un drôle d’objet cinématographique qui essaie de rebattre les cartes d’un système politique qui a perdu de vue son principal objectif : impliquer les gens.
Municipale de Thomas Paulot. Par Ferdinand Flamme et Thomas Paulot. Avec Laurent Papot, Ferdinand Flame, Milan Alfonsi… 1h50
Sortie le 26 janvier