« Une série coup de poing », « un coup de boule au cinéma d’action », les qualificatifs et jeux de mots fleurissent aux détours de quelques articles et on pourrait en trouver par dizaines d’autres. Bien que Gangs of London soit une série qui cultive son ultra-violence et son amour pour la castagne de la plus belle des manières, la peinture d’un Londres érigé par Gareth Evans et son équipe en capitale du crime pas si organisée qu’elle ne le laisse paraître, est fascinante et glaçante.
Lorsque Finn Wallace, patron des criminels puissants de Londres, est assassiné après 20 ans de règne, c’est son fils Sean qui est logiquement désigné pour prendre la relève. Une aubaine pour le monde du crime international et des gangs rivaux, désireux de venir titiller le pouvoir établi et tenter de se faire une place au sommet.
Criminal minds
Bienvenue dans le Parrain sauce cocktail The Raid, et la marque de fabrique indéniable du créateur Gareth Evans. Reconnus avec Chad Stahelski (saga John Wick) comme des techniciens laissant une grande place à la chorégraphie pour se déployer, soucieux de casser les codes dans lequel le cinéma d’action occidental commence sérieusement à s’embourber. Le fantasme des bagarreurs et adeptes de l’explosion de testostérone, qui trouvent en Jason Bourne et confrères des surcutages de l’image venant amoindrir tout impact de mise en scène. Gangs of London n’est pas qu’une pure turbine à phalanges contre mâchoires mais emprunte plus à The Raid 2 qu’au premier du nom. Dans une volonté de développer l’intrigue, multiplier les personnages, créer un univers propre. On sent bien qu’Evans a pris en maturité et en galon, dans son aptitude à soigner aussi bien son action que la psychologie de ses personnages.

Bien aidé par un casting talentueux et sachant revendre du charisme. Joe Cole qui abandonne la famille Shelby de l’excellente Peaky Blinders pour celle des Wallace, Michelle Fairley (Catelyn Stark de Game of Thrones), ou encore Sope Dirisu qui confirme qu’après son rôle dans His House, est l’un des acteurs à suivre de très près.
Violence quand tu nous tiens
Contrairement à ses travaux sur The Raid, la chorégraphie se veut moins virevoltante. Elle en devient plus sèche, brutale et sanglante. Il ne faut que quelques secondes à Gangs of London pour faire comprendre au spectateur où il se trouve et dans quoi il a décidé de s’embarquer. Un corps enflammé de la tête aux pieds, suspendu dans le vide du haut d’un building, prêt à plonger dans les tréfonds de la cité londonienne. L’aventure s’annonce violente, et le sourire banni des visages. Jeux de pouvoirs à la Game of Thrones, dimension dramatique à la Gomorra, un parc urbain crépusculaire gothamesque et du Los Angeles crapoteux au bord de l’implosion d’un Predator 2.

Le Londres de carte postale rêvée des voyageurs prêts à faire craquer le portefeuille chez Harrods n’est qu’une façade. Derrière, tout semble pourri et tous sont pourris dans le cosmopolitisme britannique. Albanais, pakistanais, combattants de la liberté kurdes, voyageurs gallois… Du maire de la ville à l’épicier du coin, gangrénés de corruption, d’argent sous la table et d’agressivité qui s’est emparée des individus. Ça canarde à l’angle d’une rue, ça fait parler la force physique dans un pub ou dans un sous-sol.
Bim Bam Boum
Lorsqu’il s’agit dans découdre, Gangs of London se montre impressionnante, immersive et sur les hauteurs du moule sériel habituel. Le budget se ressent, le travail de fond pour créer une passerelle presque invisible entre production de cinéma et petit écran. Un coup est un coup. Il se fait sentir et il est possible de ne pas s’en relever avec une simple égratignure comme si le corps était fait d’adamantium. Le sentiment de voir l’action et la brutalité dans ce qui se rapproche le plus du réel. Qu’un visage refasse la peinture d’un mur en béton, qu’une machette coupe une main comme un jambon de Bayonne, qu’une grenade fasse exploser un homme comme une piñata trop secouée, ou qu’un crâne s’accorde une beauté esthétique à la perceuse, la violence n’est jamais gratuite mais le résultat de cette micro-société en proie à la dangerosité extrême comme doctrine.

Quand tout peut sembler factice, le rêve de mettre en scène un jeu d’échecs qui vire au Hunger Games, sans que la narration ne s’embourbe dans des codes trop balisés, dans des choix sans queue ni tête. On se laisse saisir, pour en prendre plein la vue et faire du bien à la rétine. L’intelligence est de laisser la patte des réalisateurs imprégner le fil des épisodes. Trois cinéastes différents pour trois styles identifiables. On reconnaît la virtuosité d’un Gareth Evans, on admire la capacité d’un Corin Hardy (La Nonne) à mettre en scène une fusillade nocturne clinique, précise et tendue comme un rat de bibliothèque devant un match Tinder, et on est admiratif du frenchy Xavier Gens et son goût du cinéma de genre aux envolées bien gorasses et glaciales.
Avec Gangs of London, il y a une volonté de faire du cinéma sur petit écran. En y injectant de l’envie, en prenant le temps de parfaire la mise en scène, et en ayant le budget pour réussir. Le résultat est là, impressionnant, addictif et du divertissement pop et assumé. Une saison 2 est confirmée, et au vu du final, la guerre pour le trône de Londres s’annonce épicée.
Gangs of London, de Gareth Evans et Matt Flannery. Avec Joe Cole, Michelle Fairley, Sope Dirisu, Brian Vernel… 9 épisodes de 50-60 minutes.
Saison 1, disponible sur StarzPlay.
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