Il est certain que le mouvement #MeToo a donné un nouveau souffle beaucoup plus puissant à un cinéma résolument engagé et tourné vers la femme. Cependant, il existe bien nombre de pays où le patriarcat a encore la dent très dure, notamment les pays nord-africains. La Tunisie est en pleine transformation et tout comme l’a été La Belle et la meute en 2017, Black Medusa s’inscrit dans cette envie de donner la parole aux femmes victimes de viol.
Nada est une jeune femme qui mène une double vie. La journée, elle travaille dans une agence de graphisme. Totalement muette, elle ne communique que très peu avec ses collègues et se fait très discrète. Une fois la nuit tombée, elle se transforme. Apprêtée et maquillée, elle arpente les boîtes de nuit et les bars à la rencontre d’hommes qu’elle raccompagne chez eux avant de les tuer sauvagement. Cette femme d’ordinaire solitaire finit par se lier plus ou moins d’amitié avec une nouvelle collègue, Noura qui n’est évidemment pas au courant de sa double vie. Entre temps, Nada découvre chez une de ses victimes un couteau ancestral et mythique qui la plonge petite à petit dans une spirale de violence incontrôlable.
Comment peut réagir une victime de viol ? De milles façons possibles. Nada quant à elle s’est engouffrée dans la violence. Une violence qui la suit depuis des années et qu’on entrevoit dans une scène où le viol est suggéré par Nada coincée contre un tronc d’arbre et le bras d’un homme qui s’enfonce dans sa gorge. De longues minutes insoutenables qui laissent aisément deviner le traumatisme qu’elle a subi. C’est décidé, l’homme est une cible à abattre par tous les moyens. Une proie facile quant on voit l’aisance avec laquelle elle les attire. Il faut dire que ça fait rêver, une belle femme et qui ne parle pas de surcroît ! Les hommes défilent devant elle et se ressemblent : se bourrant la gueule à ne plus tenir debout, grossiers et persuadés d’avoir le monde à leur pied. Tout bascule lorsque Nada découvre un magnifique couteau chez une de ses futures victimes, qu’elle décide de garder après avoir assassiné son propriétaire avec.
Alors qu’elle sombre petit à petit, c’est l’arrivée de cette autre femme dans sa vie qui l’aide. Un esprit de sororité se met rapidement en place entre les jeunes femmes qui va même sortir Nada de son mutisme. Elle tente même de la sortir de cette spirale de violence dans laquelle elle est tombée… sans grand succès. Pas de happy ending ou de leçon moralisatrice, juste le portrait d’une femme qui a besoin de cette violence pour garder la tête hors de l’eau. Est-ce que tuer tous les hommes qui croiseront son chemin est la bonne solution ? Le film ne la juge jamais sur ce point.
C’est sur un magnifique noir et blanc que Black Medusa dépeint une femme forte et blessée par la vie. Sans aucune frioriture et à travers quelque chose d’extrêmement dépouillé et simpliste, c’est un magnifique rape & revenge qui se dessine sous nos yeux. C’est violent, bouleversant et révélateur d’un mal-être bien présent et pourtant si bien caché que les réalisateurs nous exposent sans prendre de pincettes.
Black Medusa de Youssef Chebbi et Ismaël. Avec Nour Hajri, Rym Hayouni… 1h36