Ana est une jeune femme qui mène une vie sans saveur. Serveuse dans un restaurant censé accueillir un mariage, on comprend rapidement qu’elle ne s’y plaît pas en plus d’être agressée verbalement et physiquement par son patron. Alors que tout le monde s’affaire à préparer la soirée, elle croise par hasard la future mariée en pleurs. Elle aussi semble être coincée dans un futur mariage qui n’est pas à son goût. Une succession d’évènements entraîne Ana, à la manière d’une Alice, à ramper dans un four pour se retrouver sur une île perdue. Là-bas, elle est accueillie par Marsha – qui ressemble à s’y méprendre à la future mariée en pleurs -, à la tête d’une petite armée menée par des femmes. Leur but ? S’entraîner à dégommer n’importe quel homme qui débarque sur l’île ou à la manière d’une sirène, attirer les bateaux au large via la radio pour ensuite les prendre au piège et les tuer.
C’est sous la joute de Marsha qu’Ana apprend à manier les armes et s’avère être une tireuse hors pair mais pour elle tuer n’est pas inné et sa part d’humanité l’empêche souvent de faire ce qu’il faut, de quoi mettre en rage Marsha qui ne s’entraîne que pour abattre les hommes froidement. Chacune des femmes présentes ont subi des traumatismes et cette île est devenue leur refuge, un moyen d’exulter leur peine et leur colère. Mais tant de rancœur et de tueries apaisent-elles vraiment un cœur blessé ?
Deux visions se confrontent alors : Marsha qui ne croit qu’en la suprématie des femmes et Ana persuadée que la violence ne résout rien. C’est là que la réalisatrice évite tout manichéisme car lorsqu’on avait au début deux opinions totalement divergentes, elles finissent par se rejoindre et se nourrir l’une de l’autre pour grandir. Même si Ana refuse toute violence envers le sexe opposé, cet entraînement auprès de Marsha va l’aider à s’affirmer pour devenir une femme et avoir les armes qu’il faut pour affronter la société.
Tout est absolument remarquable de justesse dans ce film, d’autant plus lorsqu’on sait que c’est le premier long-métrage de Karen Cinorre. Savoureux mélange entre Peter Pan et Alice au Pays des Merveilles, elle offre un merveilleux terrain de jeu pour ces jeunes femmes pétillantes prêtes à combattre. Un esprit de sororité très fort souffle sur ce film à la très belle photographie, parsemé de cette nature sauvage et indomptable. On se retrouve comme dans une bulle coupée du temps (les jeunes filles portent des tenues semblables à celles des soldats portées lors de la Seconde Guerre mondiale) où l’on ne sait pas vraiment où on est, si c’est un rêve ou non (la plupart des personnages qu’Ana rencontre sont en fait des gens qu’elle côtoie dans la réalité) mais une chose est sûre, c’est une expérience unique et forte qui fait souffler un air de female power ultra puissant dans ce festival et franchement, on ne crache pas dessus.
Mayday de Karen Cinorre. Avec Grace Van Patten, Mia Goth, Havana Rose Liu… 1h40