Mosquito State : Plus d’actions chez Baygon !

Dans la catégorie « indispensable du cinéma de genre« , on nomme le body horror ; un artifice hautement graphique, qui peut jouer avec les corps et les voir s’opérer des meilleures transformations devant nos yeux apeurés. La promesse d’un homme-moustique, c’est nombre de terreurs appréhendées, de moments où l’on risque de détourner les yeux. Ce qu’on ne savait pas, c’est qu’en plus de jouer cette carte avec habileté, Mosquito State ajoute à sa lecture un pamphlet très informatif sur la situation boursière, accompagné d’une belle remontrance anticapitaliste. Et ça, avec beaucoup moins d’habileté.

Sur beaucoup d’aspects, Mosquito State se veut être une relecture de La Mouche. Le scientifique semi-fou campé par Jeff Goldblum est échangé par Richard Boca, trader de son métier, cliché total d’homme solitaire, brillant dans son métier mais rejeté socialement. Alors qu’il parvient à « séduire » une jeune femme qui accepte de venir chez lui à l’issue d’une soirée – sans que l’on ne comprenne pourquoi –, Richard se fait piquer par un moustique, et se met à développer une fascination maladive pour la famille d’insectes en question. Dans son immense penthouse quasi-totalement vide, une nuée de bestioles s’installe, sous les yeux rêveurs de Richard qui se transforme peu à peu.

Un postulat de départ fascinant, qui tient ses promesses graphiques à travers des moments où la poésie de ce nuage de moustiques virevoltant à travers l’appartement domine et ceux où les transformations du corps de Richard sont exposées à la caméra. Malheureusement, le tout est plombé par un propos bien trop martelé et une écriture complètement lourde. Pour accentuer l’effet « geek incompris » de Richard, le cliché du malade émotionnel – incapable d’aligner trois mots face à celle qui l’attire, et qui doit se coucher tôt sous peine de faire une crise parce qu’il n’arrive pas à taper trois lignes de codes le lendemain –, est tout bonnement insupportable. Que dire de Lena, que l’on essaie de nous vendre comme l’anti-superficialité, une femme qui refuse les artifices et va l’accepter tel qu’il est, chose que l’on finit par comprendre force de déduction tant rien n’est réellement suggéré, que ce soit dans les lignes de dialogues, quasi inexistantes pour sa part, ou à l’image. Des coquilles vides faussement complexes, qui auraient gagné à être développées, si Filip Jan Rymsza n’était pas trop occupé par sa vindicte contre Wall Street.

Que l’on se comprenne bien : nous sommes les premiers à encourager les métrages qui s’efforcent de tenter d’éclater le système des traders, et le parallèle entre les moustiques qui sucent l’essence humaine avec la Bourse qui s’insinue elle aussi de manière parasitaire dans le quotidien des masses, est une idée brillante. Mais à vouloir contextualiser son propos sur les années Bush, justifier le krach boursier de 2007 par la négligence d’un employé perturbé, c’est une belle manière de se tirer une balle dans le pied. Tout est prétexte à ce que l’on comprenne quand ça se passe, à coups de spots TV, d’explications sans queue ni tête, et d’un trop plein d’informations qui agace. La moindre petite courbe boursière doit être comprise par le spectateur, et les échanges sont bien trop nombreux là où l’essentiel est rapidement compris, et qu’il s’agit d’avancer. Le parallèle devient barbant, on ne sait jamais où le métrage peut aller, et si les passages de transformations de Richard parviennent à recentrer l’intrigue par leur brio, ils sont bien trop peu présents et se retrouvent noyés dans ce Big Short du pauvre – si tant est déjà que l’on aime les narrations putassières d’Adam McKay.

La volonté de démonter l’industrie boursière, d’en dénoncer les affres, aurait pu être pertinente si elle avait été faite avec plus d’aplomb. Nous nous doutons bien que les conditions budgétaires n’allaient pas permettre de nous offrir un visuel rentre-dedans digne du Loup De Wall Street de Martin Scorsese avec la pertinence qui va avec, mais il y a une différence entre des bureaux où la folie est omniprésente, entre coke à gogo et lancer de nain, et une fête des rois avec couronnes en papier et Champomy à volonté. Au-delà des termes, de la prise de conscience du héros qui nous dit que « oh là là, c’est pas bien, trader pourrit les petites entreprise » – sans blague Jean-Jacques –, la folie n’est que contée, jamais montrée. La partie du budget ayant servi à obtenir l’immense penthouse avec vue sur Central Park aurait pu être mise à meilleure contribution.

Des défauts qui plombent sacrément le film et son expérience, malgré de très grands moments. L’aspect organique entre Richard et les moustiques, les somptueux maquillages pour appuyer sa transformation, la transition visuelle est réussie et vaut le coup d’œil, appuyée par une colorimétrie et une photographie impeccables. Encore un film qui aurait gagné à être développé en court-métrage pour mettre en avant sa maîtrise, et un sujet qui, à défaut d’être pertinent, mérite d’être plus épuré pour fonctionner. OFNI garanti, Mosquito State reste dans le haut du panier de la sélection de Gérardmer, et on souhaite à Filip Jan Rymsza un brillant avenir.

Mosquito State, de Filip Jan Rymsza. Avec Beau Knapp, Charlotte Vega, Olivier Martinez…1h40

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