Le “Teenage Movie” fait la belle part au cinéma depuis des années. Mais avec un genre déjà embrasé par des centaines de cinéastes, comment sortir sa tête du lot ? La Jeune Juliette a peut-être quelques éléments de réponses à apporter et s’inscrit dans une époque où la représentation est plus que de mise.
Juliette est jeune, Juliette a 14 ans. Comme toutes les filles de son âge Juliette a des problèmes et des préoccupations : ses (quelques) amis, ses amours, sa famille… Et comme si tout n’était pas déjà assez compliqué, Juliette est un peu enrobée. Malgré tout ça, Juliette vit sa vie, avance et n’a pas peur du regard des autres. Cependant, avec la fin de l’année scolaire qui approche, Juliette remet en question le monde qui l’entoure en oubliant peut-être un certain travail d’introspection.
La réalisatrice Anne Emond est familière du sujet puisqu’elle a injecté dans Jeune Juliette une grande partie de son adolescence tout en réglant quelques comptes avec son passé. La petite Juliette ronde persécutée à l’école c’est elle, le seul trait de caractère qu’elle lui a ajouté est sa répartie, cette même répartie que la réalisatrice n’avait pas à son âge. Il est d’ailleurs intéressant de noter toutes les nuances de Juliette, qui n’est jamais totalement posée en tant que victime. Celle qui est d’abord victimisée à l’école par ses camarades à cause de son poids devient à son tour bourreau lorsqu’elle fait la connaissance du jeune Arnaud, un garçon “différent” (il n’est pas, de manière tout à fait volontaire de la part de la réalisatrice, catégorisé) qu’elle rejette aussitôt pour sa différence. Renfermée sur elle-même, la jeune fille – comme la plupart des filles de son âge – s’intéresse aux gens qui ne l’apprécient pas au lieu de voir ceux qui l’aiment. Juliette, c’est un peu nous toutes lorsque nous étions jeunes. Le meilleur ami de son frère ou de sa sœur plus âgé qui nous fait fantasmer, les difficultés de s’intégrer dans le milieu scolaire, les embrouilles avec ses amis, l’odeur de l’été qui approche, de la fin d’année…

Là où Anne Emond réalise un joli tour de main, c’est dans la représentation du reste de son casting. En effet, nous avons déjà évoqué le petit Arnaud mais il ne faut pas oublier Léane, la meilleure (et unique) amie de Juliette. Sauf que Léane est amoureuse de Juliette et ça Juliette ne le sait pas. C’était assez surprenant de voir ce sujet abordé et encore plus sur un personnage secondaire habituellement en fonction de faire-valoir pour le personnage principal. Le film ne laisse aucun sujet de côté même si on aurait voulu que cette partie là soit un peu plus développée. Il n’empêche qu’il est important et nécessaire de voir dans ce genre de film des personnages aussi jeunes (on rappelle qu’ils ont 14 ans) se questionner sur leur orientation sexuelle. La représentation se fait également à travers l’image. Loin du stéréotype “tout le monde est beau sauf l’héroïne” on retrouve à l’image une jeune fille ronde, une autre maigre, un petit garçon typé et une caméra qui n’a jamais peur de filmer toutes les imperfections de ces protagonistes avec une scène notable : la nouvelle compagne du père de Juliette qui s’apprête à sauter dans la piscine et enlève son peignoir. La caméra n’hésite pas à filmer ce corps imparfait avec ses rondeurs face à des jeunes hypnotisés par la beauté qui s’en dégage. Anne Emond s’amuse des stéréotypes des “Coming of age movies” avec un certain aplomb apportant une vraie fraîcheur au long-métrage. Le garçon dont tombe amoureuse Juliette qui, malgré son physique de beau gosse, est incapable de chanter correctement. Le frère qui s’entend finalement très bien avec sa sœur ou ce père célibataire qui, malgré les difficultés, s’occupe de ses enfants avec tout l’amour qu’il peut leur donner tout en leur laissant une assez grande liberté.

S’il fallait trouver un tout petit défaut à ce film, ce serait son scénario qui manque d’épaisseur avec la prise de conscience de Juliette concernant son poids qui n’arrive que tardivement ainsi que certains arcs dramatiques vites expédiés (on pense à la relation entre Juliette et sa mère). Mais le film respire et fonctionne grâce à un joli casting tout en authenticité, la plupart étant dans leur premier rôle (Alexane Jamieson, Léanne Désilets et Gabriel Beaudet). Des personnages pleins de douceur et de candeur.
Jeune Juliette ne réinvente en rien le “Coming of age movie” mais détourne certains de ses codes pour donner au film une dimension universelle (malgré le côté rétro du film, aucune indication de temps nous est donnée) et un joli message sur l’acceptation de soi.
Jeune Juliette de Anne Emond. Avec Alexane Jamieson, Léanne Désolets, Antoine Desrochers… 1h38. Sortie le 11 décembre