Les fameux top 10 de l’année fusent de toutes parts alors qu’il reste encore pléthore de films à sortir. On n’est jamais à l’abri de surprises du dernier moment – comme on a pu le voir avec West side story, et comme on l’espère avec Matrix -, et La panthère des neiges fait partie de ces dernières.
Né de l’envie du photographe Vincent Munier de conclure son périple dans les hauts plateaux du Tibet à la recherche de la panthère des neiges, son amitié avec l’écrivain Sylvain Tesson donne naissance à un livre du même nom sorti en 2019 et couronné du prestigieux prix Renaudot. C’est tout naturellement qu’on retrouve enfin la conclusion de cette épopée sous la direction de Marie Amiguet (notamment directrice de la photographie pour La Vallée des loups). Un long voyage (deux séjours de trois semaines) condensé en une heure trente de délice pour les yeux.

À l’heure où le réchauffement climatique touche la planète de plein fouet provoquant incendies, inondations et tempêtes aux quatre coins du globe, il est rassurant de voir quelques recoins qui ont échappé à la main de l’Homme. Les hauts plateaux du Tibet sont encore des endroits dominés par la nature et sa faune sauvage. En accompagnant Sylvain Tesson et Vincent Munier, c’est une expérience rare et intime à vivre au plus près de ces animaux rares, oubliés ou même inconnus. Comme l’explique le photographe, nous sommes constamment entourés d’animaux qui nous observent alors que nous-même nous ne les voyons pas, ou plus. C’est là que le documentaire prend une tournure qui est assez rare dans les documentaires animaliers, au-delà du “Big Brother is watching you” lâché sur le ton de l’humour. La panthère des neiges pousse le/la spectateur·ice à l’exercice. Là où de nombreux films se contentent de nous impressionner par leurs gros plans sur des animaux en action, témoins d’une grandeur toujours aussi saisissante, celui-ci ne nous prend pas (toujours) par la main. Vous souhaitez voir un aigle, une panthère ou un ours ? À vous de les trouver dans ce paysage dense. Le/la spectateur·ice ne voit plus, iel regarde attentivement. Un regard que l’on n’a plus l’habitude de poser dans un monde qui va à cent à l’heure, et que Vincent Munier nous propose d’admirer, le temps d’un instant, et d’en saisir tout l’impact.
Le film suit une quête précise malgré ses apartés auprès de divers animaux plus ou moins impressionnants – toute la séquence des yaks sauvages est saisissante -. Où se trouve cette fameuse panthère des neiges ? De longues et minutieuses recherches entraînent le photographe et l’écrivain en hauteur dans les montagnes du Tibet où les températures peuvent descendre jusqu’à -35°C. Un heureux hasard leur permet de la croiser en chemin alors qu’elle se nourrit d’un animal qu’elle a tué auparavant. Une séquence époustouflante, même émouvante, comme si nous étions tout aussi heureux·ses et soulagé·es qu’eux d’avoir eu la chance de l’observer. Toute la beauté visuelle du long-métrage est accompagnée par la partition délicate de Warren Ellis (qui a notamment travaillé sur L’Assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford) et Nick Cave faisant de ce documentaire un bijou d’élégance rare.
Il y a quelque chose dans La panthère des neiges qui relève quasiment du divin. Le témoin d’un monde tangible, sur le point de disparaître. Comme une piqûre de rappel qu’il y a quelque chose qui nous dépasse et qui nous dépassera toujours. Des lieux, des animaux, tout un écosystème qui nous entoure et qu’on a oublié. C’est une expérience cinématographique rare, qui prend aux tripes, renverse le cœur et nous rappelle à nos responsabilités en tant qu’humain·e.
La panthère des neiges de et par Marie Amiguet, Vincent Munier. Avec Sylvain Tesson et Vincent Munier. 1h32