Le Giallo revient à l’actualité avec deux grosses sorties grand public de la part de deux amoureux du cinéma de genre. D’un côté, James Wan pousse les curseurs à fond avec son Malignant (déjà chroniqué ici). De l’autre, c’est Edgar Wright qui invoque le genre par le biais de son Last Night in Soho. Le timing pour l’éditeur Artus se révèle dès lors excellent au vu de la sortie conjointe des deux incursions d’Emilio Miraglia, L’appel de la chair et La dame rouge tua sept fois, ainsi que l’arrivée prochaine en librairie d’Une étude en jaune, immense ouvrage qui devrait s’installer durablement dans les bibliothèques de toute personne amoureuse du septième art. En attendant une chronique sur ce dernier à l’occasion de sa publication, posons quelques mots sur L’appel de la chair.
Une fois regardés bout à bout ce dernier et son successeur, il est évident qu’Emilio Miraglia saura mieux gérer les aspérités du Giallo dans La dame rouge tua sept fois. Mais, bien qu’étant un peu brouillon, L’appel de la chair s’avère assez intéressant par ce qu’il cherche à évoquer avec ses codes érotiques et violents. L’Eros et le Thanatos sont au cœur de la narration, avec ce riche homme qui cherche à esquiver le fantôme de son amour perdu dans la torture de jeunes femmes, espérant y expier ses regrets et ses hallucinations. La première partie du récit suit donc cet aspect, évoquant le surnaturel par le biais de certaines apparitions et un exorcisme censé aider au passage du deuil. Les bases peuvent paraître plutôt imparfaites, surtout si l’on se laisse coincer par le jeu des plus froids d’Anthony Steffen. Ce dernier semble néanmoins évoquer un fantôme en devenir, un vivant tellement rongé par les regrets et la colère qu’il n’en devient juste que plus mort, forme de zombie qui a besoin de la chair pour se réveiller et se raviver un tant soit peu.

L’arrivée de Gladys dans sa vie réveille un cœur qui ne semblait plus battre, possibilité peut-être d’enlever son costume de méchant pour revenir à une forme de normalité éveillée par l’amour. Le charme de Marina Malfatti dans un rôle de fausse ingénue souligne plutôt bien cette possibilité d’échapper au cycle autodestructeur du deuil et de retrouver un chemin de lumière. Il s’en dégagerait presque une évocation de ces histoires gothiques où l’arrivée d’une femme sonne le glas du tourment intérieur. L’alchimie entre Steffen et Malfatti se fait dès lors plutôt intéressante tant le tiraillement dans le jeu de ce dernier permet de mieux amener une forme de déséquilibre, quitte à tomber dans un trop grand appui de cet aspect.
C’est là que revient la partie cinéma de genre de la narration, avec des meurtres qui réveillent un récit sans doute trop endormi par moments pour totalement aboutir, avec une accumulation plutôt satisfaisante pour le/la spectateur·ice en quête de chair. Le déséquilibre entre certaines séquences plus évoquées que montrées et la nature graphique de certains plans (des renards ouvrant les tripes d’un cadavre) appuient plutôt bien l’aspect quasi-brouillon du long-métrage entier, ce qui n’annule en rien le plaisir pris devant le mystère qui s’épaissit. Le tout aboutit à une accumulation de révélations tantôt intéressantes, tantôt maladroites, à l’image d’un final néanmoins assez divertissant pour fonctionner.

Bien qu’il manque une certaine stabilité à la structure globale du film pour le rendre totalement réussi, L’appel de la chair se révèle assez distrayant et amusant pour qu’on s’ennuie peu devant son visionnage. Emilio Miraglia y use de certains aspects qui ont su traverser les giallos pour mieux intriguer le/la spectateur·ice tout en semblant préparer la mécanique mieux huilée de son deuxième essai dans la matière, La dame rouge tua sept fois, que l’on recommande évidemment tout autant par l’ironie financière que partagent les deux films, ainsi que la qualité de l’édition fournie par Artus. Cela reste en tout cas un bon éveil aux giallos qu’il est plaisant de voir ressortir de l’ombre des maîtres en la matière…
L’appel de la chair d’Emilio Miraglia. Avec Anthony Steffen, Marina Malfatti,Enzo Tarascio … 1h49
Sorti le 18 août 1971

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