Décidément résolu à toucher à tous les personnages ayant marqué l’histoire des États-Unis par leur combat pour leur conviction, Clint Eastwood, cinéaste du passé, ou cinéaste dépassé on ne sait plus, nous revient, un an après ce qui semblait être une belle porte de sortie, La Mule, avec Le cas Richard Jewell.
Il faut être honnête et reconnaître une certaine admiration pour l’artiste qui, malgré ses 90 ans, continue de sortir un film par an quasi systématiquement, d’autant que chacune de ses réalisations fait plaisir dans le sens où l’on n’est pas face à une suite, reboot de franchise ou autre esbroufe hollywoodienne. Quand on rentre dans la salle, on y va pour un film, un vrai, d’un auteur souvent clivant mais certainement passionné. Néanmoins, faut-il pour autant tout laisser passer à cette figure emblématique, à la mise en scène héritée d’une ère désormais lointaine ? Pas vraiment.
Bien qu’égérie de Sergio Leone ou Don Siegel, c’est plutôt du côté d’Howard Hawks, voire Hitchcock pour son sens de l’efficacité, qu’Eastwood s’est placé derrière la caméra. Son classicisme académique est sa force d’une certaine manière et il veut mettre en avant son fond plutôt que la forme qu’il y apporte. Cette démarche est louable mais à s’enfermer dans un style établi, plus encore ces derniers temps, sans vraiment le réinventer, il semblerait que Blondin commence à rater sa cible. Richard Jewell est formellement assez réussi et s’inscrit totalement dans la logique eastwoodienne par son sujet : un homme aux convictions fortes devant lutter pour ne pas les perdre en défendant son honneur. Paul Walter Hauser incarne, avec une justesse indéniable, un héros du quotidien, comme Tom Hanks dans Sully, au destin compliqué notamment par l’opposition à une entité qui lui est supérieure, en l’occurrence le FBI, allié aux médias.
Malheureusement, et c’est peut-être là que la recette est ratée, Eastwood se complaît grandement, malgré une mise en scène (trop ?) classique et appliquée, à souligner chaque instant grossièrement. Oubliant l’ingrédient clé du succès de ses mentors, et ce qui fait le sel d’un film similaire dans le fond comme Le faux coupable, à savoir la simplicité, il se met à faire dire à ses personnages ce que tout le monde devine par le simple jeu du cadrage et du montage, créant alors un effet de répétition lourd. Ce sentiment se retrouve un peu partout pendant le métrage : running gags interminables, exagération de la méchanceté dans le jeu des antagonistes renforçant le manichéisme déjà induit par la situation, … Le tout culmine lors du discours devant les médias de la mère de Richard, interprétée par Kathy Bates, quand celle-ci joue la carte du pathos et qu’en un cut les violons sont sortis, la journaliste jusqu’alors impitoyable et sans cœur pleure à chaudes larmes et le spectateur, lui, se retrouve embarrassé par le ridicule de cette scène d’un anachronisme indescriptible. À force de nous prendre par la main par une superficialité désobligeante, telles des personnes âgées voulant traverser la route, on a plus l’impression de se retrouver devant un téléfilm du dimanche, fait pour être suivi malgré quelques bouteilles de rouge terminées, que dans une salle de cinéma.

On pourrait rétorquer à ces arguments qu’Eastwood prend la posture du conteur, Richard étant confronté à sa vision trop candide du monde, lui qui n’a de cesse de rappeler pendant 1h30, pour donner plus d’impact à son monologue final, qu’il fait partie des forces de l’ordre au même titre que ceux qui viennent l’humilier et tentent inlassablement de le faire tomber. Pour autant, cela ne tient pas vraiment. Les ficelles, devenues grosses cordes, sont visibles et assommantes et, bien que le moment passé ne soit pas totalement désagréable, Eastwood n’étant pas un cuistre, on a juste l’impression de goûter une tisane au goût amer et oubliable.
On peut néanmoins souligner quelques sursauts d’originalité. Le caractère républicain de Richard est souvent montré comme une blague, tantôt efficace, comme le coup des armes, tantôt moins et la seule référence à la religion, faite par une Olivia Wilde diabolique, prête à tout pour un scoop juteux, est limite blasphématoire. Le cinéaste a également une approche assez documentaire par moments, jouant beaucoup sur les images d’archives et la caméra épaule, mais ça s’arrête là.
Ce qui rend triste finalement, c’est que l’on sort assez indifférent de ce film. Aussi plaisant ces derniers fragments d’un cinéma hollywoodien d’antan, regretté, puissent-ils être, le charme n’opère plus totalement et on assiste probablement à l’une des dernières cartouches d’un auteur sombrant dans la facilité. Ainsi, sans être raté, Le cas Richard Jewell est un film lambda, et c’est ça fait qui fait de la peine, venant de la part de l’ancien interprète de l’inspecteur Harry, qui n’est malheureusement plus aussi « dirty » qu’avant.
Le cas Richard Jewell, de Clint Eastwood. Avec Paul Walter Hauser, Kathy Bates, Sam Rockwell, Olivia Wilde, Jon Hamm… 2h11
Sortie le 19 février 2020.
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