Absent des écrans de cinéma depuis la sortie, en 2015, de son sous-estimé Le Dernier Loup et après être passé, en 2018, par la case télévision avec la série américaine La vérité sur l’affaire Harry Quebert, Jean-Jacques Annaud revient ce mois-ci avec un film qui, dès l’annonce de sa mise en chantier, obtenait déjà ses premiers détracteurs. Premièrement envisagé comme un documentaire, Notre-Dame brûle a finalement été pensé comme un film français à la portée internationale. Doté d’une enveloppe de 30 millions d’euros, Jean-Jacques Annaud place ainsi son film dans le top 50 des films français les plus chers de l’histoire. C’est cependant un budget auquel celui-ci est habitué, un peu moins de la moitié de ses long-métrages ayant couté plus de 25 millions d’euros à produire. Le réalisateur français embrasse alors ici totalement la portée cinématographique des événements ayant marqués l’île de la cité le 15 Avril 2019.
À 78 ans, Annaud n’a pas perdu le sens du spectacle et de la mise en scène qui fût longtemps au cœur de sa carrière. De la même manière qu’il sublime l’abbaye bénédictine italienne dans Le Nom de la rose (1986), le cinéaste parvient à faire de la Cathédrale Notre-Dame un personnage à part entière du film. À l’image de Guillaume de Baskerville et de Adso de Melk perdus dans les nombreux couloirs et escaliers de la vaste bibliothèque secrète, ce sont ici les sapeurs pompiers de Paris qui déambulent à la recherche d’une entrée, ou d’une sortie, le long des interminables escaliers en colimaçon de l’édifice parisien. Le dessin de Plantu utilisé pour l’affiche du film résume à lui seul la manière dont Annaud a pensé son articulation entre le monument et ses personnages, Notre-Dame s’y retrouve centrale, personnifiée par cette déformation des tours. Quant aux pompiers, ceux-ci se retrouve au singulier sur l’extrême gauche de l’affiche, impuissant face à l’ampleur du désastre. Plus qu’un personnage, Notre-Dame est à la fois le sujet mais également le protagoniste principal du film.

Comme à son habitude, le film d’Annaud est généreux sur la forme. Il est notamment visible ici un travail de recherche poussé, tant les sources d’images diffèrent. Images de téléphones portables de témoins, extraits de journaux télévisés, images de drones du gouvernement, vidéos filmés par les pompiers eux-même, reconstitutions… Par le biais de leurs multiplications, Annaud parvient à une corrélation intelligente des images d’archives avec la diégèse créée. À l’américaine, le film se retrouve dans une surenchère constante de « l’image choc » afin de littéralement créer un spectacle de feu. À la manière d’un Luc Besson, dont on a trop souvent occulté la force de production au sein d’une industrie française frileuse face à la trop grosse ambition d’un projet, Annaud n’a jamais eu froid au yeux lorsqu’il s’agit d’aller emprunter aux États-Unis un certain savoir-faire dans la mise en scène du spectaculaire.
Ce qui, à l’inverse, aurait pu être laissé aux américains par Jean-Jacques Annaud, c’est ce patriotisme constant jonchant l’intégralité du récit. Le film souligne certes une réalité, un événement passé, mais plus que de la rendre la plus cinématographique possible, celle-ci se confond trop souvent avec un chauvinisme trop prononcé découlant de chaque séquence, voir à certains moments de chaque plan. À l’image des pleurs de la statue de la vierge Marie, visibles dans toutes les bandes-annonces du long-métrage, chaque instance patriotique ou religieuse est sublimée à outrance.
Cette tentative de rendre le plus cinématographique possible les événements de Notre-Dame se reflète également dans la souhait du réalisateur de reconstituer, à proprement parler, le plus fidèlement possible certains événements plus ou moins importants ayant eu lieu ce 15 Avril 2019. Cela donne, par exemple, droit à une courte séquence lunaire au sein de laquelle la maire de Paris Anne Hidalgo rejoue le moment où, de son bureau, elle découvre avec effroi de la fumée noire sortir de la cathédrale. Cette courte et inutile intervention de la candidate à la présidentielle permet tout de même de découvrir que celle-ci n’a ici rien à envier au jeu d’acteur de sa concurrente Valérie Pécresse lorsqu’il s’agit de (sur)jouer l’étonnement. Cet extrait est cependant intéressant car il agit telle la synthèse du problème qui est au cœur du film : à vouloir en faire trop, attention à ne pas se brûler les ailes.

Spectaculaire mais trop peu subtil, Nôtre-Dame brûle reste tout de même un joli tour de force. Le cinéaste français parvient ici à délivrer un film à la forme unique, ne pouvant être rapproché de quelconque production cinématographique française récente. Le film ne parvient cependant que trop peu à trouver un équilibre entre donner une véritable profondeur à son récit et développer une esthétique forte, l’argument visuel prenant constamment le pas sur l’écriture scénaristique. Contrairement à Oliver Stone, Jean-Jacques Annaud n’a pas de Nicolas Cage en pompier moustachu pour son film catastrophe immobilier, mais le réalisateur français parvient tout de même à ne pas rougir de la comparaison américaine lorsqu’il s’agit de mettre en scène l’héroïsme des hommes.
Notre-Dame brûle, écrit par Jean-Jacques Annaud et Thomas Bidegain, réalisé par Jean-Jacques Annaud, avec Samuel Labarthe , Jean-Paul Bordes , Mikaël Chirinian…1h50
Sortie le 16 Mars 2022
Et puis il y a Samuel Labarthe de la Comédie Française … Que demander de plus !