En 1986, Sammo Hung est véritablement au sommet de sa carrière. Il enchaîne les prestations dans des films de Kung-Fu et grosses productions pour des réalisateurs prestigieux (Zu, les guerriers de la montagne magique). Comme réalisateur, il démontre depuis près de dix ans et ses débuts derrière la caméra pour Le moine d’acier, un savoir-faire indéniable dans la mise en scène de l’action, parvenant à dynamiser chacune de ses chorégraphies. La Golden Harvest lui confie l’un des plus gros budgets de leur histoire pour un projet ambitieux, réalisé pour le nouvel an chinois.
Shanghai Express se déroule en Chine, dans les années 1920. Fong-Tin Ching (Sammo Hung) est un aventurier qui se lance à la recherche d’une carte aux trésors transportée dans le Shanghai Express, un train pour personnes aisées. Il n’est cependant pas le seul à vouloir trouver cette carte puisque des aventuriers concurrents, des hors-la-loi, des sabreurs japonais et des bandits occidentaux convoitent également le précieux. Tout ce monde s’apprête à se retrouver et s’affronter à Han Shui Town, un village qui se trouve sur le chemin du train.
Le film est un projet ambitieux pour le réalisateur par son mélange des genres, son budget important, mais aussi par son impressionnant casting. On y retrouve les habitués Yuen Biao, Kenny Bee, Rosamund Kwan, Lam Ching-ying, ainsi que Richard Ng et Eric Tsang, les acteurs américains Cynthia Rothrock et Richard Norton, et les japonais Yasuaki Kurata et Yukari Oshima. Il s’agit d’un mélange de film de kung-fu, de comédie, de western et de film d’aventures. Genre rare à Hong Kong, le western est pourtant un genre très apprécié par Sammo Hung qui y voit une forme de liberté de mouvement à travers les immenses paysages du film. Le métrage reste néanmoins un pur film de Hong Kong, et n’évoque le western que dans son cadre avec le train, le village, ou encore le personnage de Kenny Bee dont la tenue évoque Clint Eastwood chez Sergio Leone.
On est clairement en terrain connu devant Shanghai express. Dans la grande tradition de la kung-fu comedy dont Sammo Hung est l’un des maîtres, le film enchaîne à un rythme effréné les scènes de pantalonnades (Sammo qui danse en sous-vêtements devant des soldats russes), situations impressionnantes (la séquence de l’incendie) et scènes de combat dynamiques. Le réalisateur fait toujours démonstration de sa maîtrise du rythme, appliquant la règle d’une scène de combat à la fin de chaque bobine pour éviter que le public ne s’ennuie sans pour autant l’abreuver d’action et prendre le risque de lasser.
Le rythme culmine jusqu’à ce final dantesque, qui met à contribution l’ensemble des artistes martiaux dans une séquence de combat d’une dizaine de minutes. On apprécie notamment les prouesses de Yuen Biao face à Dick Wei dans son utilisation de l’espace, l’agilité de Yukari Oshima, ou encore un combat opposant Sammo Hung à Cynthia Rothrock moquant la misogynie du personnage de Sammo. Bien que la séquence dure environ dix minutes, les affrontements sont de courte durée, une tendance du cinéma de Hong Kong des années 80 qui tranche avec la période plus classique, au cours de laquelle la durée des combats excède souvent les dix minutes. Ce que l’on perd en durée, on le gagne néanmoins en vitesse, en puissance et en dynamisme des combats, surtout lorsque le film est réalisé par Sammo Hung.
Le réalisateur fait à nouveau preuve d’une grande maîtrise de la mise en scène lorsqu’il s’agit de rendre à la fois dynamiques et visibles les combats, tout en mettant en avant les prouesses de l’ensemble des artistes martiaux qui allient une grande technique et une vitesse d’exécution à tomber par terre. La longueur des plans permet de rendre visibles les mouvements extrêmement dynamiques, les coupes accentuent l’impact des coups, et le réalisateur parvient toujours à trouver le plan parfait pour mettre en avant une cascade, sans la couper. Autre caractéristique typique du cinéma de Sammo Hung, on ne retrouve jamais deux fois le même plan dans une séquence. Preuve que le réalisateur pense la chorégraphie avec sa mise en scène, contrairement aux États-Unis par exemple, où les séquences sont filmées avec plusieurs caméras pour ensuite alterner les plans au montage.
Drôle, rythmé, spectaculaire et dynamique, Shanghai express est un grand moment de l’âge d’or du cinéma de Hong Kong. Un divertissement de haute facture qui rappelle à chaque seconde pourquoi on aime tant ce cinéma, cette période, et pourquoi Sammo Hung est un grand réalisateur.
Shanghai Express, de Sammo Hung. Écrit par Sammo Hung et Keith Wong. Avec Sammo Hung, Yuen Biao, Rosamund Kwan… 1h34.
Film de 1986, sorti le 15 mars 2007 en support physique en France.