[CRITIQUE] Sans frapper : Face à nous

Comme chaque année, le mois de mars est synonyme de femme. Que ce soit le 8 mars pour la journée internationale des droits de la femme ou la semaine européenne de prévention et d’information sur l’endométriose, la femme est partout et on va pas s’en plaindre. C’est également le cas au cinéma avec la sortie du nouveau documentaire d’Alexe Poukine qui met en lumière le récit d’une victime de viol.

Un plan fixe sur une femme. Elle regarde timidement la caméra, cherche ses mots avant de commencer son récit. Ce récit, c’est celui d’Ada, que l’on ne verra jamais. Son histoire, sa rencontre avec cet homme qui la viole trois fois dans la même semaine et toutes ces répercussions, tous ces mots et ces maux vivent à travers hommes et femmes de différents âges et horizons. Ce choix qui peut paraître surprenant, Alexe Poukine l’a fait pour que cette histoire devienne une histoire commune mais aussi certainement pour protéger Ada de la violence des réactions et des jugements. La réalisatrice le concède, elle a eu du mal à croire au récit d’Ada tant il ne correspondait pas à l’idée qu’on avait l’habitude de se faire d’un viol : un inconnu, le soir, sous le coup de la violence ou des menaces… Pourtant force est de constater que depuis que les langues se délient, il n’existe pas un viol type. En proposant ce dispositif, Alexe Poukine nous ramène à notre propre jugement mais aussi à celui de celleux qui donnent voix au récit d’Ada. Nous voilà confronté·es à une histoire qui aurait pu être la notre, qui l’est peut-être même dans certains aspects.

la Vingt-Cinquième heure

Le récit se mêle rapidement aux interlocuteur·ices qui racontent leurs propres histoires, leurs ressentis mais font également une sorte d’introspection dans ce qu’iels ont pu être ou faire. Est-ce que ce baiser était finalement voulu ? Est-ce que je l’ai forcé·e à faire telle ou telle chose sans m’en rendre compte ? Une déconstruction totale se crée petit à petit autant pour les protagonistes que pour nous. Malgré le ton sérieux et les récits douloureux racontés, Sans frapper se veut délicat dans son approche. Un cadre intimiste se crée pour que les récits se déploient non pas seulement autour du viol (subi ou commis) mais aussi autour de la rédemption, du travail sur soi pour panser ses blessures.

Cependant, la réalisatrice ne s’arrête pas à ce simple exercice. À travers ces portraits-récits, elle nous met face au blacklash qu’on peut subir mais qu’on peut aussi faire subir de par la pression et le regard qu’a la société sur ce sujet. Pourquoi le viol d’une femme bien sous tous rapports serait mieux compris et dénoncé que celui exercé sur une femme provenant d’une minorité, ou aux mœurs plus légères ? Toutes ces questions restent encore et toujours présentes malgré la parole qui se libère que ce soit en société, dans les médias ou même à travers le cinéma comme le fait Sans frapper.

Sans frapper offre un véritable espace de réflexions et de questionnements quant à la question du viol avec beaucoup de pudeur. Le combat est loin d’être gagné, il ne fait que commencer mais il est revitalisant et nécessaire d’avoir des réalisatrices qui s’emparent de ce sujet pour permettre l’existence de ce débat.

Sans frapper, écrit et réalisé par Alexe Poukine. 1h25
Sortie le 9 mars

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