On le savait, avec la ré-ouverture des salles, c’est l’embouteillage assuré pour les films. Beaucoup passent à la trappe, relayés aux services en VOD ou se voient accompagnés d’une promotion limitée. C’est notamment le cas de Summertime, passé totalement inaperçu et déjà retiré d’une bonne partie des salles après seulement une semaine d’exploitation, alors qu’on tient là une jolie pépite de ce cru 2021.
Il y a trois ans, Carlos Lopez Estrada faisait trembler les planches de Deauville avec son premier long-métrage Blindspotting. Un petit bijou pop engagé et enragé à l’univers singulier mais au message universel. Que fut notre étonnement lorsqu’on a découvert que le bonhomme avait de nouveau frappé avec un second film qui a déjà tout pour plaire : choral, musical, au coeur de Los Angeles, ses cultures et ses problèmes. On part confiant·e, on ressort conquis·e.
Le temps d’une heure et demie, 25 habitant·e·s de Los Angeles se croisent lors d’une belle journée d’été. Un dispositif qui peut paraître beaucoup trop énorme, fouilli et pourtant, le réalisateur arrive à offrir à chacun·e d’entre elleux son moment. Un chauffeur de limousine qui cumule plusieurs boulots, un jeune à la recherche DU hamburger, une serveuse de restaurant, deux rappeurs en devenir, une psychologue, un couple en crise… autant de portraits qui arrivent à capter un instant, une période, une pluralité propre à Los Angeles où le monde semble vaste et ouvert à toutes les possibilités. Un sublime melting pot que Carlos Lopez Estrada arrive à mettre en avant grâce à la poésie – une arme qu’il utilise déjà dans Blindspotting -. C’est grâce à ce dispositif que chacun des personnages va, le temps d’un instant, exister et faire résonner un message, un sentiment, un cri. On ressort ému·e par cette jeune femme qui exprime sa peur de montrer son homosexualité dans les rues, celle qui règle ses comptes avec un homme qui l’a brisée, tout comme on rigole du duo de rappeurs qui chante pour leurs mamans. Ce travail de transition entre toutes ces pastilles est incroyablement remarquable, fluide, rythmé… On se plaît à suivre cette caméra qui virevolte au gré des humeurs de chacun·e.

Ce qui caractérise le cinéma de Carlos Lopez Estrada, c’est son optimise, la lueur d’espoir qui s’en dégage à chaque fois malgré ses sujets. Là où on évoquait le racisme dans Blindspotting, Summertime fait le constat d’une époque et d’une génération : des couples qui ne s’entendent plus parmi leurs cris, l’homophobie, les peines de coeur qui se transforment en chasse à l’homme grâce à internet, la magie de la célébrité instantanée mais aussi ses côtés sombres ou encore la difficulté de trouver un travail à la hauteur de ses diplômes. Tout cela semble presque indigeste tant le réalisateur brasse énormément de sujets mais son timing pour raconter ses histoires à travers des poèmes intelligents et touchants (écrits par les acteur·ice·s). Le pouvoir des mots, le pouvoir de l’art. Celui de rassembler, de fédérer mais aussi de faire rêver. Car oui, Summertime arrive à nous faire rêver, à nous rappeler la force de notre nouvelle génération, celle qui ose se lever pour ses convictions et se bat pour s’en sortir. Un immense cri du coeur scintillant, euphorique et terriblement contagieux.
Grâce à une réalisation impeccable et vive accompagnée d’un casting charismatique et ô combien talentueux, Summertime se hisse très facilement parmi les meilleurs films de cette année. Une ôde à la vie et à la liberté qui fait du bien et qui nous confirme que Carlos Lopez Estrada est une voix unique dans le paysage du cinéma indépendant américain.
Summertime de Carlos Lopez Estrada. Avec Tyris Winter, Marquesha Babers, Maia Mayor… 1h35
Sortie le 15 septembre