On vous parlait tout à l’heure Jennifer Kent et de son premier film Mister Babadook. Quatre ans plus tard, l’australienne secoue la Mostra de Venise en remportant le Prix spécial du Jury avec son second long-métrage The Nightingale. Et depuis ce jour, on attend patiemment son arrivée sur nos grands écrans. De longs mois sans aucunes nouvelles et c’est quand on ne l’attendait plus – et que notre chère pandémie a éteint tous les grands écrans du pays – qu’il est finalement sorti sur OCS.
On part en 1825 en pleine colonisation de l’Australie. Claire est une jeune prisonnière irlandaise qui sert une garnison de l’armée britannique. Voilà plusieurs mois que l’officier Hawkins lui a promis une lettre, lui permettant à elle et sa famille d’être libérée. Dans un excès de colère, son mari défie l’officier qui s’empresse de répliquer de la pire des manières en compagnie de ses hommes : Claire se fait violer devant son mari avant que ce dernier et leur bébé ne soient violemment tués. Pleine de rage, elle se lance à leur poursuite à travers la forêt tasmanienne en compagnie de Billy, un aborigène qui essaie de survivre comme il peut.
Changement radical de proposition pour Jennifer Kent. Alors que tout se faisait en subtilité et en suggestion dans Mister Babadook, la réalisatrice bouscule et choque. Tout est montré de plein front, la colonisation est présente et fait des dégâts, les prisonniers sont traités comme du bétail et les femmes ne sont bonnes qu’à servir les officiers. Une tension s’installe immédiatement dès que la caméra pose ses yeux sur Claire, jeune femme fragile au chant divin qui se plie aux ordres pour espérer sa libération. Coup sur coup, le film nous assomme d’une première scène de viol intense où notre regard se fixe dans celui de Claire empli de larmes avant de basculer dans l’horreur la plus totale lorsqu’on assiste au meurtre de son mari et son bébé. Un meurtre qui va la plonger dans une folle vengeance destructrice.

Tout comme Amelia, Claire est un personnage complexe loin d’être parfait. Même si elle se place en tant que victime (et à juste titre) dès le début du film, c’est aussi quelqu’un qui se retrouve à faire équipe avec quelqu’un qu’elle considère à peine. Là où on pourrait penser que deux personnes issues de minorités s’allieraient contre l’ennemi, le rapport de force s’inverse. Alors que Claire s’avérait être le dernier chaînon de cette chaîne alimentaire, c’est le noir qui prend sa place et qui se fait quasiment maltraiter par cette dernière. Le film réussit le pari de lorgner entre les genres passant du thriller à la comédie avec une facilité déconcertante (les passages où Billy laisse Claire sans défense dans la forêt sont aussi effrayants sur le moment que très drôles par la suite) sans jamais oublier l’importance de son sujet et de nous rappeler à la réalité sans crier gare. Les corps tombent, le sang coule, la vengeance est là et ne concerne pas seulement Claire mais tous les marginaux de cette époque.
La caméra fait la part belle à cette forêt tasmanienne, lieu de toutes les pires actions. Foisonnante, magnifique mais aussi étouffante, elle accompagne à merveille le duo Claire/Billy qui lui aussi bénéficie d’une écrite très fine. Une évolution des rapports de force qui leur permet autant de se venger que de s’élever. C’est alors que The Nightingale n’arbore plus l’étiquette de Rape & revenge mais celui d’une histoire et d’une colère sourde qui ne peut s’exprimer que par une justice menée soi-même dans un dernier acte très fort. Tandis que Billy se libère de ses chaînes, Claire se venge en prenant son indépendance, dans un monologue aussi brûlant qu’émouvant face à son bourreau.
C’est ainsi que The Nightingale évite tous les écueils du genre en proposant un film profond, intelligent, colérique mais jamais excessif et porté par une Aisling Franciosi qui transcende la caméra et s’avère être une magnifique révélation. Preuve est en tout cas qu’en seulement deux films, Jennifer Kent vient de s’instaurer comme une cinéaste talentueuse et engagée.
The Nightingale de Jennifer Kent. Avec Aisling Franciosi, Sam Claflin, Baykali Ganambarr… 2h16
Sortie sur OCS le 9 mars
[…] des talents de Sam Claflin lorsqu’il s’agit de jouer des connards ambulants dans The Nightingale mais il déploie ici une palette assez incroyable entre visage charismatique et pensées […]