Un immeuble, trois étages, trois familles. Tre Piani, le dernier film de Nanni Moretti en compétition cannoise, vient montrer tout en finesse le bouleversement du destin de trois familles vivant à Rome. Il est adapté du livre éponyme de Eshkol Nevo, situant son action à Tel-Aviv, quant à lui.
Trois histoires sont racontées en montage alterné, sur trois périodes différentes, étalées sur 10 ans. Dans chaque appartement, un couple, aux situations de vie différentes. On a d’abord le jeune couple : Le mari est en déplacement professionnel en permanence, laissant sa jeune épouse s’occuper de leur bébé toute seule ; ensuite, vient le couple bien installé, ils ont une fille, et ont un certain confort de vie ; enfin, le couple bien plus âgé, dont le fils est déjà adulte. Un soir, ce fils conduit à toute vitesse pour rentrer chez lui en état d’ébriété. Il renverse une femme, et la tue sur le coup. A partir de cet événement se déploie le film.
L’efficacité de Tre Piani repose sur la construction de trajectoires de vie. Ce sont donc trois histoires aux enjeux différents qui se construisent et se déploient peu à peu, mais toutes sont de près ou de loin liées, affaire de voisinage oblige. De nombreux thèmes sont évoqués et travaillés pour exposer et décrire la famille italienne – romaine plus exactement – de notre époque ; peut-être même s’agit-il d’en faire une anthropologie. Riccardo Scarmacio incarne un père surprotecteur pour sa fille ; Alba Rohrwacher est, quant à elle, la mère dépassée par sa maternité, qui se repose sur le soutien de son mari absent, mais que la folie guette. Nanni Moretti joue lui-même un père dont la fonction de juge s’immisce dans le cocon familial. Son fils enchaîne les conneries, graves, et il ne peut que reconnaître qu’il n’y a rien pour l’excuser, quitte à ne pas l’aider.
En vérité, ce qui est exposé, c’est principalement les relations hommes-femmes. Moretti montre à quel point les hommes rythment la vie du foyer dans la première période. Cette situation évolue au fur et à mesure du film avec les ellipses de 5 ans. Les trois générations de femmes s’émancipent peu à peu, à leur niveau. On parvient aussi à des réconciliations de conflits qui s’étaient installés durablement.

Tre Piani est un film choral dont la beauté ne se révèle qu’avec le temps. Ce qui est commun et a priori insignifiant devient subtil et délicat. La mise en scène en retrait et la photo terne servent le film : il s’agit de dire quelque chose de notre vie humaine, d’exposer ses problèmes, de ne pas forcément proposer de solutions, mais simplement d’en montrer un dénouement possible, mais plutôt positif. Le travail du temps fait effet sur les hommes et les femmes ; ils règlent leur conflit, rééquilibrent leur position sociale, opèrent une réconciliation. Tre Piani est tout à la fois sincère que déséquilibré dans sa structure. Reste un portrait minimaliste de trois familles, simple mais tout aussi beau.
Tre Piani de Nanni Moretti. Avec Nanni Moretti, Margherita Buy, Riccardo Scamarcio… 1h59.
Sortie en salle le 27 octobre 2021. En compétition au festival de Cannes, sélection officielle.