Bon, changeons les habitudes, vu le sujet, va falloir que je vous parle à la première personne. J’ai l’impression que depuis quelques années, le cinéma me met quelques tapes sur l’épaule pour me dire : “Eh oh, et tes origines ?”. D’abord Pupille, puis C’est toi que j’attendais (sortie prévue dans les salles en fin d’année) et plus récemment, c’est Une histoire à soi qui est venu remuer pas mal de choses et a remis certains pans de ma vie en perspective. Et si Une histoire à soi était aussi la mienne ?
Anne-Charlotte, Joohee, Céline, Niyongira et Mathieu ont entre 25 et 52 ans et partagent tous une même histoire : iels sont adopté?e?s. Une histoire à soi raconte leur parcours, leur vie avec leur famille adoptive mais aussi leurs questionnements et leurs doutes qui ont jonché leur vie. Et pendant que j’étais confortablement installée au club Marbeuf, des milliers de questions m’ont assaillie et je suis ressortie de là avec de nouvelles convictions et de nouveaux doutes. Et l’une des interrogations qui m’est apparue était de savoir comment vous parler de ce film. Le présenter comme un simple documentaire en essayant d’avoir une once d’objectivité – concept absolument abstrait dans la critique cinéma qu’on s’entende bien – ? Impossible, ce sujet m’est trop précieux. Alors j’ai décidé de me lancer dans une sorte d’essai hybride entre histoire personnelle et critique cinématographique.
Le dispositif mis en place par Amandine Gay est assez simple : des images d’archives défilent sur lesquelles les protagonistes concerné?e?s racontent leur histoire. En préambule, un extrait télévisé aux allures de pub outrageuse vantant les mérites de l’adoption et le mythe des parents sauveurs. Les fondations sont posées, Une histoire à soi ne sera pas une glorification de l’adoption. Au fur et à mesure des témoignages, la façade se craquelle sous le poids des questionnements qui assaillent chacun·e·s. Quelle est notre place ? Comment s’affirmer lorsqu’il nous manque un bout de notre passé ? Quelle est notre culture lorsqu’on se retrouve déraciné·e ? Des questions qui semblent avoir été évitées pendant longtemps et qui trouvent aujourd’hui un terreau fertile pour ouvrir la réflexion. La réalisatrice réussit à instaurer une structure narrative qui permet de passer d’une histoire à l’autre sans perdre le/la spectateur.ice, les visages et les voix devenant rapidement des points de repère.
Et tandis que toutes ces histoires défilent sous mes yeux, c’est ma propre histoire qui me revient en tête. Depuis quelques temps, je ressens de plus en plus l’envie de découvrir mes origines, de peut-être retrouver une trace de mes parents biologiques et ce film me donne une toute autre perspective de mes années vécues auprès de ma famille adoptive. “Je me suis construite comme une enfant blanche de l’intérieur, asiatique de l’extérieure” témoignait l’une d’entre elle. Cette phrase a secoué quelque chose en moi, un arbre que je croyais caché ou inexistant. Qu’est-ce que l’adoption ? Quelle est la place de la mienne dans mon histoire ? Un acte de bravoure, social, juste ? Une déportation, comme le souligne un adopté ? L’adoption serait dont un sujet politique ? Je ne m’en étais jamais rendue compte auparavant. En sortant de la projection, j’ai senti comme un vent nouveau qui me traversait. Celui d’une nouvelle voie qui s’est ouverte à moi, un début de réflexion, un besoin de réappropriation pour savoir qui je suis et quelle est mon histoire.
Une histoire à soi c’est aussi mon histoire à moi et probablement l’histoire de milliers d’autres personnes en France. Politique mais également humain, le documentaire d’Amandine Gay est un jalon essentiel dans ce vaste sujet qu’est l’adoption.
Une histoire à soi d’Amandine Gay. 1h40
Sortie le 23 juin
Merci pour ton témoignage ! signé un parent adoptif d’une petite fille de 4 ans et demi 🙂
Oh merci à toi, ça me touche beaucoup ?
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