Bienvenue à Belko. Merci d’avoir rejoint une entreprise moderne, où nos bureaux en open space vous permettent un vis à vis unique permettant une ambiance agréable et solidaire avec vos collègues. Des agent·e·s de sécurité bénéficiant d’une réserve d’armes vous protègent. Des puces implantées dans votre crâne vous permettent de pointer en toute sérénité mais vous garantissent également le fait qu’aucun élément extérieur ne peut pénétrer à l’intérieur du bâtiment. Vous êtes isolé·es dans une région désertique colombienne, et rien ne peut venir perturber votre travail. Tout va pour le mieux. Oh, et si vous pouviez désormais vous entre-tuer, ça nous ferait bien plaisir et nous éviterait bien des désagréments de licenciement.
Un pitch alléchant, n’est-il pas? Sorti tout droit de la tête de James Gunn alors qu’il était en pré-production pour Super, il le laisse de côté quelques temps et finalement ne le réalise pas. Pas question pour le papa des Gardiens de la galaxie d’offrir un spectacle gore critiquant les affres du monde de l’entreprise, où de renouer avec ses premières amours (quiconque a vu Horribilis ou Super sait que c’est vraiment incompatible avec l’image familiale et conviviale qu’impose Disney à ses auteurs), il confie donc son script à Greg McLean qui pour un faible budget (5M de dollars) réussit à fournir un film de genre sympathique à souhait.

On est plongé·e dans un univers d’entreprise somme toute serein, avec des groupes d’individu·e·s clairement peu entraîné·e·s à appréhender une situation de crise. Lorsqu’un haut parleur retentit pour leur dire qu’ils ont vingt minutes pour tuer un certain nombre de personnes, sous peine d’en voir décimer le double, puis que la menace s’exécute, on redécouvre en quelques secondes diverses logiques de la psyché humaine. Panique, folie, perte de repères et de contrôle se mêlent à l’instinct de survie et au retour des bassesses animales. À partir de là, Greg McLean fait jouer chaque personnage sur tous les tableaux. Les figures rassurantes peuvent devenir des psychopathes finis, et vice versa. C’est ainsi qu’il joue avec son casting, utilisant des figures de second rôle généralement archétypales pour mieux pouvoir les déformer derrière.
On retrouve ainsi des gueules telles que Michael Rooker, Tony Goldwyn ou encore John C. McGinley, qui profitent de l’occasion pour se lâcher. C’est d’ailleurs la force du film, réussir à ancrer en très peu de temps dans la tête du/de la spectateur·ice les traits de caractère des personnages. Ces dernier·e·s restent simples, il y a très peu de choses à développer de ce côté-là, mais proposent un aspect efficace qui favorise la force du récit. Le film est court, viscéral, et ne nous lâche pas une seule seconde.

C’est une fois sorti du cercle infernal que l’on prend conscience des défauts, malgré tout nombreux. En se concentrant sur un spectacle généreusement gore – sans toutefois en retirer non plus un immense plaisir, les morts sont marquantes – , l’aspect “Qui va tuer qui ?”, “Comment ?”, “Qui se cache derrière cette initiative ?”, McLean oublie de traiter ses sujets de fond. Le rapport aux armes omniprésentes, à l’importance de sa propre existence face à celle des autres…. Le film n’est pas dénué d’intelligence pour autant, les thèmes sont bien là, et bien abordés, mais peut-être trop laissés de côté. Avec une mise en scène au final assez sage, qui fait un très bon travail et offre ce qu’il faut sans se dépasser, The Belko Experiment reste derrière les références qu’il évoque, Battle Royale entre autres.
Il n’en reste pas moins une découverte intéressante, à conseiller à tout·e amateur·ice de film de genre. Aux côtés d’un Await Further Instructions, découvert l’année dernière, il représente une métaphore sociale intéressante, où le pouvoir de suggestion, qu’il soit par le biais des écrans ou juste par voix hypnotique, prend le pas sur le libre arbitre.
The Belko Experiment de Greg McLean. Avec John Gallagher Jr, Tony Goldwyn, Adria Arjona…1h28.
Sorti le 3 juin 2017 en VOD.
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