On ne le dira jamais assez : dans notre quête d’originalité, afin de trouver des métrages qui sortent du lot et apportent à notre paysage cinématographique de la variété, il faut fouiller, fouiner, explorer des propositions venant de pays vers lesquels on ne va pas habituellement. Quand une escale en Roumanie nous est offerte, avec un found-footage qui nous met directement dans la tête d’un réalisateur obsédé maladivement par Anne Hathaway, la proposition est bien trop particulière pour être ignorée.
Réalisateur en devenir, Adrian Tolfey voue une obsession pour Anne Hathaway depuis qu’il l’a vue dans The Dark Knight Rises, de Christopher Nolan. Actrice qu’il clame être la plus immense, même si les descriptions qu’il en fait ne restent axées que sur ce fameux costume de chat – excessivement sexualisé – dont elle fut vêtue sur le tournage. Autant dire que certaines intentions, si le contraire est constamment revendiqué, ne semblent pas bien artistiques. Toujours est-il que pour attirer l’attention de l’actrice, l’ami Adrian décide de tourner un “making-of“, supposé dévoiler ses méthodes de travail, pour la convaincre de le rejoindre en Roumanie. Il a une terreur maladive de quitter sa commune et réalise avec Be My Cat un scénario qu’il a écrit particulièrement pour elle (et où elle est justement censée jouer son animal de compagnie dans ce fameux costume de Catwoman…tout un programme).

Nous sommes très rapidement embarqués dans la folie du réalisateur. Adrian Tolfey joue de ses expressions pour générer le malaise, d’un rire malsain qui toujours inquiète mais qui pousse à la fascination. La conscience dès les premiers instants que nous n’assistons pas à quelque chose de sain ne fait aucune ombre à la position voyeuriste dans laquelle nous met le film. C’est plus fort que nous, comme dans un encart de télé-réalité, nous voulons voir jusqu’où ce délire peut aller. Pour prouver à Anne qu’il est un cinéaste digne de ce nom, Adrian engage des actrices, castées sur le net, certaines sur une unique base photographique – la ressemblance avec la comédienne étant le critère principal –, et les invite à venir les retrouver chez lui. Le but : tourner des scènes d’une étrangeté sans pareille, dans laquelle les intentions de directions deviennent de plus en plus violentes. Harcèlement, insultes et pressions, Adrian Tolfey se permet tous les excès pour obtenir ce qu’il souhaite. Très rapidement, ce que l’on redoute se met en place, et ces pauvres actrices venues tenter leur chance connaissent la torture, la mutilation – jusqu’à l’ablation d’une partie du ventre d’une des actrices, parce qu’elle n’est pas aussi “maigre” qu’Anne Hathaway –, et rencontrent la mort.
Pour accentuer le sentiment de gêne qui va crescendo, le soin apporté au réalisme des situations nous met face à un terrible miroir. Les moments où les actrices tentent de s’extirper de l’emprise de ce faux-réalisateur semblent bien trop réels pour faire rire, et l’impression que nous ne sommes pas face à une fiction mais bien face au fameux film envoyé à Anne Hathaway persiste. On se recroqueville à mesure que l’étau se resserre sur ces trois jeunes filles qui ont juste commis l’erreur de répondre à un casting. On ressent l’obsession, la maltraitance sous couvert de passion, mettant à mal la notion de fanatisme et l’aveuglement qui l’accompagne.

Dérangeant et sacrément original, Be My Cat : A Film For Anne n’est pas un simple trip gore et un portrait de la folie étourdissante. Il nous pose des questions quant à notre rapport sur ces personnes que l’on adule bien trop, et ce que l’on serait prêt·e à faire pour attirer leur attention. Son traitement par le found-footage lui donne un aspect de fait divers, et rappelle que derrière ce psychopathe nous “amusant” le temps d’une heure et demie, se cache une mentalité et des obsessions bien réelles, qui sont parfois les nôtres.
Be My Cat : A Film For Anne, de et avec Adrien Tolfey. Avec aussi Sonia Teodoriu, Florentina Hariton, Alexandre Stroe…1h27
Film de 2015, disponible sur Outbuster