Il aura fallu plus d’un an après sa diffusion au Festival du film d’animation d’Annecy pour que La maison des égarées se fraye un chemin jusque dans nos salles obscures. Faisant partie du triptyque Continuing Support Project 2011+10, un hommage aux victimes du tremblement de terre et du tsunami qui ont frappé le Japon en 2011, le film s’inscrit dans la région d’Iwate, directement touchée par la catastrophe.
Trois destins s’entrecroisent pour tenter de guérir. Celui de Yui, une adolescente qui a fui un père au comportement toxique et violent ; celui de Hiyori, qui a perdu sa voix suite au décès de ses parents durant le tremblement de terre. Toutes les deux sont recueillies par la grand-mère de Hiyori, personnage mystérieux et malicieux prêt à tout pour aider nos deux héroïnes. Cette famille recomposée apprend à revivre au quotidien, mais d’étranges bruits se font entendre dans la maison. Rapidement, d’étranges phénomènes paranormaux viennent bousculer leur quotidien.

Quotidien réparateur
Celle qui se trouve derrière cette histoire de résilience n’est autre que Reiko Yoshida, à qui l’on doit déjà A Silent Voice et Liz et l’oiseau bleu, ici dans des thèmes qui lui sont familiers. Elle a cette capacité de construire des personnages forts, blessés dans la chair mais qui possèdent en eux une capacité de résilience rare et belle. Mais comment faire pour se reconstruire ? Quel chemin emprunter et par quoi commencer ? En ça, la grand-mère de Hiyori sera le point d’ancrage des deux jeunes filles. Sa sagesse transparaît à l’écran et dans le récit puisque le film choisit de prendre le parti de la quiétude. La première moitié est d’une douceur inégalable et surprenante tant nous sommes plongé·es aux côtés de nos héroïnes dans leurs gestes quotidiens.
C’est peut-être d’abord ça, la reconstruction, savoir apprécier de nouveau les choses simples de la vie. Leur destin fait intrinsèquement écho à celui du pays qui doit apprendre à se relever. C’est là qu’intervient le folklore japonais avec la notion de “Mayoiga”, une maison qui bénit les voyageur·se perdu·es. Il s’avère que cette demeure offrait le couvert et bonne fortune à tou·tes celleux qui s’y abritaient : elle est ici représentée par la demeure de la grand-mère perchée tout en haut d’une colline que Yui et Hiyori doivent durement escalader dès la scène d’introduction. Le trajet est dur mais sera dûment récompensé.
Le film ne semble jamais courir après son sujet, préférant laisser l’espace nécessaire aux personnages pour évoluer et guérir loin de toute frénésie. La seconde partie devient intéressante en faisait apparaître frontalement le folklore japonais, ses légendes et ses créatures. Une bande de kappa débarquent des rivières japonaises comme de petites divinités qui empruntent au Shintoïsme et au Bouddhisme pour témoigner de l’harmonie qui règne entre humain·es, faune, flore et légendes folkloriques. L’autre entité qui se dévoile est un esprit démoniaque qui se nourrit des frustrations, des peines et de la douleur des habitant·es pour prendre de la force et tout détruire sur son passage.
La guérison est un long fleuve pas toujours tranquille, la preuve en est avec La maison des égarées. Fable sur la sororité intergénérationelle, ôde aux contes et légendes qui font l’essence même du pays sur fond d’après catastrophe naturelle, le film de Shinya Kawatsura nous prend par la main pour nous emporter dans cette douce et surprenante histoire qui met un peu de baume au coeur et participe inévitablement à la guérison du Japon.
La maison des égarées de Shinya Kawatsura. Écrit par Reiko Yoshida. 1h45
Sortie le 28 juin 2023