Plus de 50°C ont été enregistrés en Chine et dans plusieurs villes aux États-Unis. Des inondations détruisent des habitations au Canada, une violente tempête fait des dégâts à la frontière franco-suisse… Tous ces évènements météorologiques liés au réchauffement climatique nous rappellent que notre lien avec la Terre est précieux et qu’il est en train de se dégrader de manière critique. C’est dans cette optique que la réalisatrice Francisca Alegría nous propose son premier long-métrage, La vache qui chantait le futur, mêlant écologie et maternité sur fond d’onirisme.
Dès les premières minutes, nous sommes saisi·es par des images de centaines de poissons morts dérivant le long d’une rivière alors qu’en arrière plan on peut entendre un chant – chilien ? – qui questionne la vie et la mort, une vache solitaire errant dans une forêt tard dans la nuit et une nuée d’oiseaux volant de manière discordante. Si le film semble se diriger vers la fable écologique, un élément perturbateur arrive aussitôt avec Magdalena qui émerge de la rivière où elle s’est apparemment suicidée il y a des décennies, un casque de moto en main. Elle semble légèrement désorientée, mais ne se soucie point de son apparence boueuse. Tel un réflexe, elle se dirige vers la ferme familiale pour y retrouver sa famille qui a appris à avancer sans elle. On comprend que ce récit mystérieux explore les thèmes de la vie après la mort, de la famille et des connexions humaines mais également celles avec nos terres.

Terre et mère
Francisca Alegría infuse son film d’une aura très particulière. L’arrivée de Magdalena coïncide avec toute une série d’étranges événements, les appareils électroniques se détraquent auprès d’elle comme pour nous rappeler le besoin de revenir à quelque chose de plus naturel et simpliste. Le réalisme magique colle bien au ton qui ne cherche jamais à matraquer son propos, préférant laisser le/la spectateur·ice s’imprégner de cette ambiance si particulière pour en tirer les conclusions qui se veulent nécessaires. Le déclin environnemental qui se dessine sous nos yeux répond à celui que vit les personnages : le mari de Magdalena montre les premiers signes d’une dégénérescence mentale, sa fille est obligée de revenir dans la ferme familiale pour s’occuper de tout tandis que son propre fils tente de se faire une place à travers sa propre identité rejetée de tous.
La réalisatrice réussit à faire cohabiter ses deux sujets en les entremêlant de manière très intelligente et poétique : le retour à la vie de Magdalena est présenté comme un processus naturel de mort, de décomposition et de renaissance. Une idée déjà illustrée dans la première scène où le cadavre d’une souris en décomposition se transforme en champignons rouges flamboyants. Le film critique également les interventions humaines qui perturbent l’ordre naturel, telles que la pollution d’une usine qui tue les poissons et détruit un écosystème local, les abeilles assassinées par un voisin utilisant des pesticides, ou encore l’insémination artificielle des vaches laitières et la séparation de leurs veaux pour la traite. Cette cruauté est mise en évidence dans une scène dévastatrice où les vaches mourantes chantent leur lamentation à Cecilia, exprimant leur désir de mourir sans leurs veaux. Un autre moment souligne le lien entre Magdalena et les veaux orphelins, qui sucent ses doigts. On comprend ainsi que dans sa première vie, Magdalena n’acceptait pas l’idée que les vaches soient exploitées uniquement pour leur lait. Son retour à la vie devient un catalyseur pour la libération des vaches de leur souffrance. Magdalena incarne un contrepoint à la critique écologique du film. Elle offre une possibilité de relation plus humaine et réparatrice avec le monde naturel, en réponse à la cruauté et à la destruction causées par les interventions de ses congénères.
La vache qui chantait le futur a du mal à tenir sur sa durée. Ses idées foisonnantes finissent par l’étouffer et lui font perdre de sa force. De nombreuses questions restent en suspens quant à la mort de Magdalena, de quoi laisser un goût d’inachevé. L’apparition d’un gang d’activistes motocyclistes qui prennent Magdalena sous leur aile peut sembler quelque peu décalée sur le plan narratif, donnant l’impression qu’elle ne colle pas au ton du film. De même, certains personnages, comme les enfants de Cecilia, semblent manquer de développement, même si leur existence est supposée avoir une signification symbolique importante.
Malgré quelques faux pas, La vache qui chantait le futur reste un premier long-métrage qui s’assume et qui tisse doucement une histoire de maternité, de famille, de traumatisme et de perte dans une allégorie plus large sur la destruction de l’environnement. Un geste fort et salutaire.Malgré quelques faux pas, La vache qui chantait le futur reste un premier long-métrage qui s’assume et qui tisse doucement une histoire de maternité, de famille, de traumatisme et de perte dans une allégorie plus large sur la destruction de l’environnement. Un geste fort et salutaire.
La vache qui chantait le futur écrit par Francisca Alegría, Manuela Infante. Réalisé par Francisca Alegría. Avec Léonor Varela, Mia Maestro, Alfredo Castro… 1h38
Sortie le 26 juillet 2023
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