Ces dernières années marquent un tournant capital dans notre façon de vivre et d’appréhender le monde qui nous entoure avec l’explosion des nouvelles technologies et intelligences artificielles en tout genre. Aujourd’hui l’humain est épaulé dans une bonne partie de ses tâches quotidiennes : des appareils qui cuisent tout à notre place, des IA qui écrivent à notre place, des voitures qui se conduisent toute seule… C’est dans ce renouveau de la société que Sophie Barthes explore la maternité 2.0 avec The Pod Generation.
Rachel et Alvy forment un couple de New-Yorkais heureux et résolument moderne niché dans un grand appartement commandé vocalement par une intelligence artificielle de type Siri/Alexa. Tous les deux rêvent de devenir parents mais ne voient pas la grossesse de la même façon. Alvy est un botaniste qui croit encore au pouvoir et à la nécessité d’un lien avec la nature tandis que Rachel, promue dans son entreprise technologique, est séduite par cette petite révolution : le POD. Conçu par le Womb Center, il permet de mener une grossesse paritaire puisque l’embryon se développe dans cet œuf connecté permettant à la future mère de ne pas subir les inconvénients de la grossesse et au père d’être plus impliqué physiquement et psychologiquement.

Dis Siri, combien de temps pour un œuf dur ?
Il en résulte un conflit important pour notre couple entre l’apparence et la substance : peu importe la manière dont le bébé naît, tant que les résultats sont identiques. Si Alvy est réticent au programme, il finit par accepter par amour pour sa femme qui se rêve mère. À une échelle plus vaste, le film s’efforce de montrer comment la grossesse affecte un père et une mère de manière différente tout en explorant comment ce processus d’accouchement révolutionnaire pourrait potentiellement redéfinir les rôles. En parallèle, il tente également d’apporter un commentaire absurde sur l’avenir de la technologie. Malheureusement, quelle que soit la perspective choisie, l’histoire reste décevante.
Pourtant la réalisatrice réussit à poser des bases assez solides pour qu’elles soient intéressantes. Au cœur de l’intrigue se trouve le Womb Center, une entreprise qui offre la possibilité de personnaliser entièrement l’expérience de l’accouchement. Les client·es peuvent sélectionner le sexe de leur enfant, nourrir le fœtus via une application, choisir les futures “saveurs” qu’iels préfèreront dans la vie, et bien d’autres choses. De plus, le ou les parents peuvent transporter le bébé dans un œuf, équipé d’un étui de transport et d’un socle permettant de recharger le POD. En allégeant la charge physique pour les parents, ceux-ci peuvent vaquer à leurs occupations tout en donnant naissance à une nouvelle vie après neuf mois.
Le premier axe étudié est forcément l’impact des nouvelles technologies sur le quotidien. Pour cela, The pod generation réussit à installer une ambiance austère, blanche et tellement épurée qu’elle semble dénuée de vie. Il y a un vrai travail sur les décors qui se veulent chaleureux par leurs courbes tout en nous laissant paradoxalement dehors. Les assistants personnels, qu’il s’agisse de l’IA de bureau ou celle qui remplace les thérapeutes, sont dotés d’un énorme œil flottant qui fixe l’utilisateur – une idée assez ridicule sur papier comme sur écran – et l’idée que la plupart des gens accordent autant d’importance aux arbres virtuels qu’aux arbres réels fait passer Alvy pour un vieil aigri se lamentant sur le bon vieux temps. The Pod Generation commence avec une vision fascinante de l’avenir de la technologie alors que nous voyons la maison d’Alvy et Rachel prendre vie, répondant à leurs besoins de diverses manières et explorant à quel point cette prochaine étape de l’évolution technologique peut être à la fois utile et terrifiante. Cependant, à mesure que le film tente d’approfondir cet aspect, il devient moins un commentaire réfléchi qu’une suite d’idées à moitié développées. Le film fait du sur place avec un bon ventre mou en milieu de parcours où on reste coincés sur les mêmes problématiques sans jamais évoluer dans un sens ou dans l’autre.
L’œuf ou la poule ?
Par moments, il semble que Sophie Barthes soit sur le point d’explorer plus en profondeur ce processus. Les défis de concilier la maternité avec le lieu de travail en passant par un groupe de manifestant·es luttant contre les pratiques du Womb Center, chaque piste explorée n’aboutissent jamais. Au final, l’histoire se révèle finalement être une narration plutôt conventionnelle des luttes et des inquiétudes qu’un couple peut rencontrer en préparant l’arrivée de son premier enfant. Ce qui est d’autant plus dommage quand on voit tout le potentiel du récit. On aurait presque préféré que le film se concentre plus sur le fait de devenir une mère et toutes les contradictions que ça entraîne (être une bonne mère tout en continuant d’être une bonne employée car il ne faut pas être distraite par son enfant, être obligée de laisser de l’espace au père tout en continuant à protéger son espace personnel, etc.).
Le résultat est un film qui se déroule avec une certaine lenteur et redondance tout en prétendant véhiculer un message plus profond qu’il ne le fait réellement. C’est regrettable, car le film est visuellement magnifique à bien des égards. La très belle photographie d’Andrij Parekh (connu notamment pour son travail sur Blue Valentine) ainsi que la scénographie impressionnante captivent constamment l’attention du spectateur, même lorsque le scénario ne parvient pas à convaincre.
The Pod Generation se conclut de la même manière qu’il s’est déroulé depuis le début, de façon abrupte et peu subtile, laissant le public se demander quel était l’objectif de tout ce tintouin. Il semble y avoir une intention de soulever des questions importantes sur l’avenir de la technologie et l’expérience de l’accouchement mais le scénario de Barthes ne parvient jamais vraiment à apporter un éclairage réellement innovant sur l’un ou l’autre de ces sujets. Un POD dans l’eau.
The Pod Generation de Sophie Barthes. Avec Emilia Clarke, Chiwetel Ejiofor, Rosalie Craig… 1h51
Sortie le 25 octobre 2023