Qu’est-ce que la notion de vérité dans le journalisme ? Si le travail journalistique a comme visée d’orienter la vérité comme fin ultime à toute information, il peut toujours être discutable. L’information est malléable, permettant aux journalistes ainsi qu’aux chaînes TV de l’interpréter à leur manière. Aujourd’hui la guerre de l’information est plus présente que jamais et si certains films abordent déjà la question de l’éthique – on pense à Night Call de Dan Gilroy -, Cold Copy de Roxine Helberg le fait sous le prisme d’une étudiante en journalisme.
Le film suit Mia Scott, animée par l’ambition de décrocher la célébrité et la richesse dans le monde du journalisme. Elle réussit à intégrer la classe très sélective de la célèbre Diane Heger. Pour les besoins du cours, cette dernière demande à ses élèves de faire un reportage avec à la clé une diffusion dans son émission “The Night Report”. Mia se retrouve face à la difficulté de dénicher le sujet idéal. Sa rencontre avec Igor – fils d’une célèbre autrice décédée il y a plusieurs années – lui ouvre de nouvelles perspectives qui remettent en question sa boussole morale.

Je jure de dire la vérité, rien que la vérité
Dans Cold Copy, tout le monde est détestable. Mia Scott (Bel powley) en première, quand la plupart de ses actions consiste à saboter le travail et les efforts d’autres camarades. Son obsession pour la réussite se répercute même dans la relation qu’elle entretient avec Igor (joué par Jacob Tremblay) dont elle se rapproche pour mieux creuser ses secrets de famille. Roxine Helberg remet constamment en question la notion d’éthique afin de savoir jusqu’où les curseurs peuvent aller pour obtenir ce qu’on veut. Si les agissements de Mia sont répréhensibles, il est intéressant de les contextualiser puisqu’elle fait tout pour plaire à sa professeure, une femme froide qui finit toujours par obtenir ce qu’elle veut et interprétée par une Tracee Ellis Ross des plus terrifiantes de par son manque total d’expression et d’émotion. Consciente de son charisme et de son pouvoir, elle s’élève elle-même au rang de la vérité pure : “Vous vous efforcez de mettre en lumière des vérités profondes et dérangeantes qui, si elles sont révélées, ont le pouvoir de changer le cours de la vie des gens”. Si certain·es élèves ne sont pas dupes, Mia y croit dur comme fer et se voit déjà à la place d’Heger.
La question cruciale de savoir si Mia ira jusqu’au bout devient le point central de la dernière partie du film tout en jouant sur le tableau de l’ambiguïté. Agit-elle sous le coup de l’égoïsme en sachant très bien la répercussion de ses actes ou est-elle juste une élève désespérée à l’idée de réussir socialement et professionnellement ? En ajoutant à cela son passé d’enfant ayant perdu sa mère à un jeune âge, il y a un autre niveau de compréhension de son obsession pour le journalisme : la possibilité de raconter des histoires qui ne lui appartiennent pas, qu’elle peut façonner et peaufiner et qui lui offrent un sentiment de contrôle.
Le film souffre de quelques lenteurs lorsqu’il aborde la relation entre Mia et Igor (Jacob Tremblay presque méconnaissable mais toujours avec aussi peu de talent), la façon dont la journaliste essaie de gagner sa confiance jusqu’à le trahir de la manière la plus immonde possible. La seconde partie qui se concentre sur les rapports de force entre Mia et Diane est plus intéressante, appuyée par une photographie aux tons froids et une caméra très souvent fixe qui appuie le caractère presque tyrannique de Diane. Au contraire, lorsqu’elle se concentre sur Mia, elle opte pour des plans plus rapprochées comme pour y déceler encore une part d’humanité tiraillée par ses choix moraux. Le classicisme du scénario – et in extenso de la mise en scène – est rattrapé par le propos féministe. Là où la notion de sororité est plus que jamais célébrée aujourd’hui, elle est toujours mise à mal par un esprit de compétition qui l’annihile. Le journalisme est un milieu de rapaces et Diane Heger l’a bien compris. Les échelons gravis ne l’ont pas été sans sacrifices (et probablement autres magouilles) car ces places sont chères et d’autres vautours sont toujours prêt·es à prendre la place au premier vacillement. Si le film célèbre le parcours professionnel de deux femmes dans ce monde de brutes, il n’oublie pas de rappeler que pour réussir il faut parfois en payer le prix.
“Que voient les gens quand ils nous regardent ? Une enseignante et une élève ? Une mère et une fille ? Des amoureuses, même ?” demande Diane Heger à Mia Scott. Finalement, tout a toujours été une question de perception que ce soit de la réalité… ou de la fiction.
Cold Copy écrit et réalisé par Roxine Helberg. Avec Bel Powley, Tracee Ellis Ross, Jacob Tremblay… 1h31