Le Ham On Rye est un sandwich assez réputé aux États-Unis, consistant en une tranche de jambon disposée sur du pain de seigle, généralement accompagné de salade et de tomates. Évidemment, pour ne pas masquer le goût, les dites tomates doivent être coupées en fines rondelles, et la sauce reste légère, pour n’apporter qu’un accompagnement permettant de savourer le fameux mets. Faites maisons, elles peuvent se composer de mayonnaise ou de ketchup, mais aussi de recettes plus alambiquées telles que…..Bon, vous voyez pas le rapport ? Nous non plus.
Le rapport, d’ailleurs, c’est ce que l’on cherche tout au long du métrage. Ham On Rye ne partait pourtant pas perdant, posant une ambiance adolescente, à l’image volontairement laide, qui fait référence aux séries fauchées d’été des années 90. Lumières envahissantes, gros plans invasifs où jeunes boutonneux·ses en quête d’un bal de fin d’été se préparent progressivement à la fête. La soirée animée en question représente le pinacle du film. Après des moments où chacun·e danse à sa manière, les garçons rentrent dans un cercle féminin, choisissent une partenaire qui doit accepter ou refuser leur choix. Partant dans la nature qui les accueille, les couples établis s’éloignent vers l’horizon, et disparaissent vers un au-delà qui peut représenter une forme d’éternité, d’accomplissement. Certains indices disséminés en amont démontrent d’ailleurs de l’importance de ces choix, que c’est une décision capitale pour leur vie future.
Et en développant chacun de ses aspects pour étirer le métrage, on aurait parfaitement pu s’arrêter là. Le métrage aurait eu un aspect mystique, où chacun·e peut y voir son interprétation et garde un sentiment satisfait. Mais pourquoi faire simple quand on a envie d’en rajouter des couches ? Commence une deuxième partie où le pénible se mêle à l’ennui. Il ne se passe strictement plus rien, pourtant les minutes défilent, transformant le même ennui en torture. Une torture risible tant les dialogues, loin d’être pensés comme tels, forcent l’hilarité. L’impression que l’écriture est partie en roue libre quand tout à coup, quelqu’un nous raconte la vie des huîtres et des colliers de perles, ou que des jeunes accoudé·e·s à leur bagnole l’abandonnent sur place pour partir sur leur segway dans un moment où, en plein fou rire, on se demande juste : pourquoi ?
On ne se pose plus vraiment la question de ce qui s’est passé en première partie, on reste face aux jeunes oublié·e·s, celleux qui n’ont pas été choisi, qui restent (oui, évidemment qu’on a bien compris que c’est là tout le sujet du film, l’attente insoutenable d’une seconde chance lorsqu’on a raté une opportunité, la solitude face à l’abandon quand les autres ont réussi là où on a échoué, etc.), et on ne ressent plus rien. Avec le foisonnement de personnages qui étaient proposés en avant-propos, impossible de s’attacher à quiconque, mais aussi parce que cette fameuse solitude, la mélancolie lyrique sur laquelle tout aurait pu s’axer est inexistante. Au lieu de ça, on voit des scènes chiantes, par des personnages chiants, et chaque fois qu’un fondu au noir nous semble salvateur, on reste collé à sa montre, avant de désespérer encore.
La question qui se pose surtout est de savoir si tout cela a bien sa place en sélection compétitive à Deauville. Si les films que nous avons vus pour l’instant n’ont pas tous la même qualité, ils sont tous sujets à un avis mêlé de subjectivité, avis qui peut se contredire sans qu’on y voie un réel souci. Ham On Rye, lui, a peut-être quelques amateur·ice·s, mais semble générer une désapprobation générale. Dans les deux séances qui lui ont été consacrées à l’heure où ces lignes sont écrites, nombreu·ses·x sont celles et ceux qui ont quitté la salle, atterré·e·s devant le pauvre spectacle. On serait très étonné·e, voire offusqué·e, de le voir dans le podium de la compétition.
Ham on Rye de Tyler Taormina. Avec Haley Bodell, Cole Devine, Lori Beth Denberg… 1h24
Sortie prochaine