Johannes, ses grands-parents et sa mère sont des Finlandais·es ingrien·nes (une région désormais en Russie qui se trouve au bord du Golfe de Finlande), pas totalement russes ni totalement estonien·nes. Un statut particulier avec lequel iels doivent évoluer au cœur de l’URSS alors que cette dernière commence à trembler de par les manifestations qui émergent. Pour tenter de toucher du doigt une meilleure vie, la mère de Johannes part travailler en Finlande tandis qu’il est élevé par ses grands-parents à Tallinn. Il y découvre les premiers émois, les déboires avec ses camarades ainsi qu’une envie de quitter ce cocon pour partir vivre avec sa mère en Finlande, terre promise où tout semble possible.
Il est assez marrant de voir le parallèle presque évident qu’on peut faire avec Potato Dreams of America, présenté au dernier Festival de Deauville. Deux films sur une enfance compliquée faite de hauts, de bas, d’amour et surtout beaucoup d’espoir dans un contexte socio-politique loin d’être facile à cerner à hauteur d’enfant. Mais aussi deux films qui ont une résonance très personnelle pour leur réalisateur puisqu’ils puisent dans leurs origines et leurs souvenirs pour les teinter d’humour.

Johannes nous met les pieds dans le plat en nous expliquant que les choses étaient compliquées dès le départ. Né d’un père inconnu – une hérésie à cette époque – et élevé par une mère encore adolescente, l’éducation de Johannes a rapidement été prise en main par ses grands-parents, notamment sa grand-mère qui avait une certaine tendance à serrer la vis. Ce beau petit monde vit à l’époque dans Leningrad 3 qui n’est autre qu’un des sites du Centre nucléaire de Leningrad où le taux de radioactivité tutoie largement les étoiles. Un malheureux accident oblige la famille à déménager à Tallinn où il se lie d’amitié avec un jeune garçon et tombe amoureux de la sœur de ce dernier. Alors qu’il essaie de trouver un certain équilibre, sa mère revient régulièrement de Finlande avec des victuailles qui en font baver plus d’un (baskets lumineuses, chocolats, ou de simples bananes) et c’est désormais l’envie de l’Occident qui anime le jeune garçon.
Goodbye Soviet Union est avant tout un coming of age, ce passage de l’enfance à l’adolescence qui marque des changements et des sacrifices que le garçon n’est pas forcément prêt à faire d’autant qu’il a une bonne raison de rester à Tullinn, la voisine Vera dont il est tombé éperdument amoureux. Mais a-t-on réellement une chance d’avancer et de s’épanouir dans un pays gangréné par les restrictions alors que la liberté semble à portée de main ? La réponse du réalisateur est assez simple, peut-être naïve pour certain·es, c’est l’amour qui est le moteur de tout. L’amour de Johannes pour sa famille, pour sa mère malgré ses absences à répétition, pour son ami Gena ou encore pour Vera. Avec de l’amour tout est possible, il ne suffit que d’air pour respirer et le reste suivra. Utopiste ? Peut-être mais après tout quand on est enfant à quoi d’autre peut-on aspirer ?
Derrière son aspect éminemment comique, Goodbye Soviet Union s’attaque malgré tout à une politique restrictive, une époque révolue qui a laissé des traces auprès des personnes qui ont vécu durant cette période. Sans tomber dans le pessimisme ou dans le film totalement politique, Goodbye Soviet Union est une jolie fable pleine de poésie, de légèreté et de douceur emballée dans une ambiance délicieusement rétro et ensoleillée.
Goodbye Soviet Union de et par Lauri Randla. Avec Niklas Kouzmitchev, Nika Savolainen, Ülle Kaljuste… 1h31