Des records de fréquentations à travers le monde, un succès qui dépasse déjà le précédent opus Godzilla : King of the Monsters, et cet affrontement colossal peut se targuer d’être le grand gagnant de 2021, en pleine période pandémique. D’abord prévu pour la salle, la stratégie de Warner et HBO Max s’est transformée pour être la même que Wonder Woman 1984. Une sortie simultanée sur la plateforme et les cinémas mondiaux pouvant accueillir le métrage, et tenter de capitaliser sur la renommée de la licence pour engranger des abonnés supplémentaires. En France, le film téléchargé illégalement en masse finit désormais à la location et achat en VOD, sans passer par la case grand écran. Pour un résultat, médiocre.
Il y a d’abord une idée, bonne ou mauvaise, mais une idée. Le succès de Pacific Rim de Guillermo del Toro, a fait clignoter des dollars dans les yeux de la Warner et Legendary Pictures. Le film de gros monstres et créatures étranges tient son public. Pourquoi ne pas créer un univers mythologique, avec des légendes tirées de la culture populaire nippone et de l’imaginaire fictionnelle. Godzilla et King Kong en maitres étalons, chacun ayant parcouru l’histoire du cinéma et la pop culture, en véritables turbines à cash et connus de tous. Puis, les faire s’affronter comme dans le passé et un combat de boxe hors-catégorie, devient une évidence. Le MonsterVerse est né en étant l’exemple type d’une vitrine à la liquéfaction, au fil des productions. Une entrée en matière en 2014 avec le Godzilla de Gareth Edwards, un jeune auteur inconnu qui vient affirmer son talent avec une atmosphère, une vision d’apocalypse et l’envie d’emmener le blockbuster calibré sur un terrain plus stimulant. La suite n’est que l’appel à des réalisateurs d’une main d’œuvre bon marché, qui n’ont jamais travaillé sur de grosses machines, malléables, et qui ne servent qu’à remplir un espace de noms sur une affiche.

Le grand froid et le gel des récoltes agricoles ont eu une incidence sur la production de légumes. Même le plus beau des navets s’est retrouvé impacté, et loin de sa grande forme. Il suffit de l’enrichir avec un peu de fumier et le couver dans la chaleur du salon, pour qu’une prouesse éclate. Un mutant qui prend le/la spectateur·ice pour encore plus débile que Godzilla vs Kong l’est lui-même. Le scénario, comme attendu ne raconte rien, et se contente d’enchaîner des situations aussi rapides que prévisibles à des kilomètres. Godzilla devient vilain, Kong est le seul moyen de le combattre, une petite fille arrive à parler au gorille, des scientifiques veulent faire croire qu’iels y comprennent quelque chose, et une société guidée par un patron habillé comme Charlie Mortdecai veut le bien-être de l’humanité en créant une machine au design rouillé. La recette blockbuster conventionnelle, dont on se demande si les scénaristes ne sont pas un concept de robots sans imagination, qui répètent leurs actes à la chaîne. Au final, l’idiotie générale n’est qu’anecdotique, si le reste s’avère être un mélange de bourrinerie réjouissante.

Mais Godzilla vs Kong n’est pas le produit d’une pensée d’auteur·ice·s, mais le résultat de studios qui envoient balader toute ambition formelle, de mise en scène et de proposition d’un « spectacle ». Un problème conséquent, lorsque le public cherche avant tout un film de mastodontes, un plaisir régressif et une attraction explosive. Pas un seul geste ne parait impressionnant, pas un seul mouvement n’engendre une tension. Pas un seul instant, le gigantisme ne prend son sens.
Comme un Razmoket turbulent et son hochet, Adam Wingard trimballe sa caméra sans en comprendre l’utilité, n’a aucune créativité dans la chorégraphie de l’action, et est incapable de donner une magie à de la mythologie. Le cinéaste, aussi peu talentueux soit-il, ne sait pas gérer un budget conséquent à l’écran. Sur le peu de temps de combats, le lézard botoxé et le singe velu sont filmés comme des héros tirés d’un Expandables, qui se cognent, grognent et renâclent du goulot. On voit toute leur carrure, scannée de haut en bas, ce qui enlève toute dimension monstrueuse et impressionnante à la vision. Impossible de frissonner et se sentir minuscule face aux géants. Le poids de la carcasse injecté par Edwards dans le premier Godzilla, les humains soufflés et détruits comme des pions, le tremblement du sol et l’apocalypse engendrée, disparaissent. Les humains ne semblent jamais inquiets par la mort, par les conséquences, comme s’il y avait toujours une solution, un moyen de s’en sortir fasse à des êtres infiniment plus forts qu’eux. Quelques lignes de dialogues suffisent à traduire le vide qui habite leur écriture, leur caractérisation et le sort réservé. On en viendrait presque à être heureux qu’un corps fragile se fasse écrasé par le sabot d’un dragon atomique.

Si les 200 millions de dollars injectés servent à s’assurer un confort de production et la capacité à s’entourer de techniciens adroits pour proposer quelques effets sympathiques, il y a une paresse infinie. Le tout numérique n’a rien à revendre d’intéressant, et se contente de jouer la carte fond d’écran marvelien, qui cache sous des couleurs factices et quelques néons fluos, l’anti-dimension artistique. Au bout d’un moment, la supercherie de penser qu’il y a quelque chose de neuf et amusant à manger sur le plateau du divertissement hollywoodien, commence réellement a exaspérer au plus haut point. La petite récréation d’un retour en enfance que devrait être la bataille de titans populaires, devient consternante et provoque le sentiment d’un spectateur méprisé.
Godzilla vs Kong de Adam Wingard. Avec, Alexander Skarsgård, Millie Bobby Brown, Rebecca Hall… 1h54.
Sortie le 22 avril 2021 en VOD/SVOD.