La carrière cinématographique d’Eddie Murphy ne rend pas hommage à son immense talent de comédien, et ce malgré d’énormes succès qui ont fait de lui la plus grande star américaine des années 80. Pourtant, que reste-t-il aujourd’hui de sa filmographie ? En dehors de 48 Heures, Bowfinger, roi d’Hollywood ou Un Fauteuil pour deux, on dénombre peu de bons films dans sa longue carrière. Même Un Prince à New York, ou Le Flic de Beverly Hills, ses plus grands succès, sont loin d’être inoubliables (on préfère la beauferie assumée, l’imagerie clinquante et le savoir-faire de Tony Scott pour Le Flic de Beverly Hills 2).
Un comble pour le meilleur acteur comique des années 80 (voyez ses deux One-Man Shows, Delirious et Raw pour vous en convaincre), qui s’est souvent sabordé lui-même par des choix désastreux. Récemment, lorsqu’il effectue un retour remarqué avec Dolemite is my Name, il enchaîne immédiatement sur Un Prince à New York 2, monument de paresse surfant uniquement sur la nostalgie du premier film. Golden Child : L’enfant sacré du Tibet, est un projet sabordé de bout en bout, portant à la fois les stigmates de l’influence d’Eddie Murphy comme de l’intervention du studio.

Pensé d’abord comme un film fantastique à la tonalité sérieuse, le projet est proposé au réalisateur John Carpenter qui refuse la réalisation (il tourne plus tard Les Aventures de Jack Burton dans les griffes du Mandarin, qui a quelques similitudes). Eddie Murphy, qui sort tout juste du carton du Flic de Beverly Hills, récupère ensuite le projet pour en faire une comédie PG-13 (premier film de la carrière de l’acteur à obtenir cette classification). La post-production, quant à elle, est chaotique. Après des projections tests mitigées, Paramount exige des reshoots, notamment pour ajouter des séquences de « Eddie Murphy show ». Ce qui fait dire à l’acteur Charles Dance que le résultat final est « plus proche du Flic de Beverly Hills au Tibet » que du projet original.
Il est évident que le résultat souffre de cette post-production, et que le monteur Richard A. Harris a dû souffrir pour parvenir à un résultat regardable, bien qu’il soit depuis devenu spécialiste des montages perturbés (Terminator 2, Last Action Hero, et Titanic). On ne compte plus en effet le nombre de dialogues qui semblent avoir été montés avec des plans manquants (la scène dans le restaurant entre Eddie Murphy et Charlotte Lewis après leur rencontre), ou de passages incompréhensibles (Eddie Murphy suit une autre voiture, dans une rue parallèle, pour se retrouver le plan suivant juste derrière sans que l’on sache comment). Les scènes d’action sont quant à elles illisibles car montées à 80% avec des plans de coupe, à tel point que l’on se demande si les comédiens étaient présents sur le plateau.

Quant aux séquences additionnelles, on peut les deviner tant Eddie Murphy semble perdu au milieu d’une improvisation qu’il ne sait pas comment conclure, qui ne fait pas sourire, et n’apporte strictement rien à l’histoire. Comme si son talent comique, visible y compris dans des films moins bons comme Le Flic de Beverly Hills, s’était volatilisé. Enfin, le studio s’est également débrouillé pour faire souffrir les oreilles du spectateur en refusant le score de John Barry pour une musique pop-synthé de Michel Colombier, par moments insupportable. Il serait cependant injuste de rejeter entièrement la faute sur la Paramount, tant le projet porte la patte d’Eddie Murphy.
C’est en effet l’acteur qui a modifié le projet, pensé au départ comme un film fantastique noir, pour en faire une comédie entièrement dédiée à son image. Entouré par un bon réalisateur (Walter Hill, John Landis ou Craig Brewer), l’acteur est capable d’utiliser son talent à bon escient. Mais en choisissant Michael Ritchie, exécutant interchangeable dont le seul fait notable est Carnage avec Lee Marvin et Gene Hackman, l’acteur prend complètement possession du projet (le comédien aurait proposé le film à George Miller, et nul doute que le résultat aurait été bien différent). Le réalisateur se contente en effet d’une simple mise en images du scénario, sans génie, sans efficacité, mais avec un cruel manque de rythmique comique (voir les nombreux monologues trop longs d’Eddie Murphy) et une propension à rendre ses séquences d’action ridicules.

Pendant ce temps, le reste de l’équipe technique ne fournit pas le meilleur travail de sa carrière. Nous avons parlé du monteur Richard A. Harris, mais on peut ajouter Donald Thorin, chef opérateur de Haute Sécurité ou Le Solitaire, qui malgré quelques séquences bien éclairées (celles se déroulant au Tibet) nous sert une photographie très bancale, pendant que la production design confiée à J. Michael Riva (La Couleur Pourpre, L’Arme Fatale ou Django Unchained) donne un aspect très kitsch qui termine d’enfoncer le ridicule du film. S’il est un succès à sa sortie, il s’agit en réalité du premier échec artistique complet de la star. Le premier d’une longue série.
Golden Child : L’enfant sacré du Tibet, de Michael Ritchie. Avec Eddie Murphy, Charlotte Lewis, Charles Dance… 1h29.
Sorti le 1er Avril 1987.