Il est de commun accord que les notions de montées des extrêmes sont un fléau de plus en plus pesant. Les nouvelles générations embrassant des idéologies xénophobes et passéistes sont la représentation, comme cela a toujours été le cas, d’un manque d’éducation menant à une certaine inculture, à travers un refus d’ouverture vers l’autre sous couvert de préjugés. L’endoctrinement dès le plus jeune âge est souvent de mise, les esprits juvéniles étant plus facilement manipulables. La question se pose : est-il possible, et si oui facile, de s’extirper d’un groupuscule fasciste ? Guerrière tente de répondre à la question, et le fait avec colère.
Cette ambiance radicale, Marisa baigne dedans depuis toute petite. Elle suit l’éducation de son grand-père, vétéran de la Wehrmacht, qui lui apprend depuis toujours que le mauvais rôle attribué aux nazis n’est qu’un odieux mensonge et que leur idéologie est noble. C’est toute une once de sa personnalité qui est empreinte de cette aura malsaine, tant ce même grand-père est la seule source d’amour qu’elle connaît. Aucun remords lorsqu’elle violente des étrangers, des gens dénigrés par son clan, le groupuscule se tire mutuellement vers le bas – jusqu’à être violents entre eux, que ce soit par “jeu” ou comme unique manière de communiquer – et se sent, évidemment, dans le vrai d’une révolte à venir, de cette guerre raciale qui n’a jamais quitté leurs esprits. C’est lorsqu’elle prend seule l’initiative d’aller attaquer deux jeunes arabes qui répondent à sa violence que le doute et les questionnements font surface.
L’aliénation par l’idéologie se sent immédiatement dans les actions de Marisa, mais surtout dans sa façon de constamment se référer à son groupe pour valider ses pensées. Copier les anciens par les tatouages, les tenues vestimentaires, l’entre-soi est complet et rien n’ouvre au monde. C’est lors de l’accident qu’elle commet, et donc de l’intervention dans son esprit d’une notion de responsabilité individuelle, que Marisa amorce sa déconstruction. Un processus que David Wnendt narre avec intelligence, et surtout subtilité. Là où beaucoup tombent dans la caricature de “l’acte de trop” qui fait prendre toute conscience d’un seul coup et sans recul, la progression de Marisa se fait par étapes. Si elle réalise que son acte est grave, elle ne renie pas ses idéaux pour autant, mais commence à les remettre en question à mesure qu’elle comprend qu’ils sont incompatibles avec le chemin de rédemption qu’elle souhaite entreprendre. Le parallèle avec la tombée de Svenja dans ce même groupuscule l’aide à entrevoir toute la toxicité qui l’entoure. Adolescente en perdition, qui se rattache à ce qu’elle peut, elle représente pour Marisa un miroir, d’elle plus jeune, à ceci près qu’il y a encore une once d’espoir en cette jeune adolescente loin d’être complètement aliénée. Espoir que Marisa se doit de préserver.
Sorti en 2011, Guerrière nous rappelle un film plus récent, Skin, qui fait également l’objet d’une déconstruction d’une idéologie radicale, et qui traite en parallèle la sortie d’un des membres de groupuscules fascistes et l’entrée en trombes d’un jeune en perdition. Si David Wnendt se complaît moins dans les scènes marquantes que Guy Nattiv, les moments intenses sont bien là, et l’étau autour de Marisa se ressent à chaque scène, la conscience que quoi qu’elle fasse, la fuite est son unique issue tant il est impossible de quitter ce genre de milieux sans y laisser la vie. Guerrière retranscrit surtout parfaitement la colère, qui quel que soit le camp dans lequel on choisit de l’assouvir, n’est jamais le moteur des meilleures actions.
Guerrière, de David Wnendt. Avec Alina Levshin, Jella Haase, Gerdy Zint… 1h46
Film de 2011, sorti le 27 mars 2013. Disponible sur Outbuster