Alors que Greta Thunberg se trouvait récemment en Italie pour manifester à Milan pour le climat à un mois de la COP26, exprimant une fois de plus son ras-le-bol vis-à-vis des dirigeant·e·s, un documentaire retraçant le parcours de la jeune militante sort au cinéma. Exercice toujours délicat lorsqu’il s’agit de trouver la bonne distance à garder pour conserver une certaine objectivité, Nathan Grossman réussit le pari de nous offrir un métrage aussi dense que nuancé.
Greta Thunberg est un personnage qui divise, fait parler, et est sujet à controverse. La virulence de certains propos à son égard fait rage, et c’est peut-être que là que le documentaire est utile, lorsqu’il nous rappelle qu’elle n’est rien d’autre qu’une adolescente de 16 ans. Le réalisateur a eu comme projet de suivre la jeune fille depuis sa toute première action lorsqu’elle a entamé une grève scolaire en faveur du climat en face du Parlement suédois. Un premier geste isolé qui se transforme rapidement en mouvement d’une ampleur sans égale avec des grèves scolaires qui ont lieu aux quatre coins du monde et qui l’élèvent au rang de porte-parole d’une jeunesse qui veut faire bouger les choses. Mais comme toute médiatisation, ses dérives et ses détracteur·ices ne sont jamais bien loin.
Le documentaire arrive à saisir la complexité de la jeune fille mais également de la situation. D’un côté nous avons Greta, une jeune adolescente de 15 ans (à l’époque de sa première grève scolaire) largement dépassée par les évènements. Invitée à toutes les conférences sur le climat, Greta vient matraquer toujours le même discours réaliste – mais malheureusement alarmiste – pour essayer de faire bouger les lignes. Mais fait-on réellement bouger les lignes à cet âge-là ? De l’autre côté, on a tout un système médiatique qui tire profit de Greta et de son impact. Tout est calculé et son image est utilisée, par les médias qui lui tirent à boulet rouge ou par la classe politique qui ne la prend jamais au sérieux. Une situation détestable bien que la jeune fille s’en rende bien compte, mais qu’est-ce qui l’empêche de tout arrêter ?

Nathan Grossman réussit à infiltrer sa caméra dans la vie de Greta (une certaine confiance s’est installée entre elleux, le réalisateur tournant 99% des images seul pour garder cette proximité) jusqu’à filmer les failles de la jeune fille. Derrière cet écran médiatique, c’est avant tout une jeune fille qui souffre. Sans tirer sur la corde du pathos, ni même en faire le sujet principal, le documentaire nous montre un autre aspect, plus fragile et plus humain. Depuis le début de sa lutte, elle doit apprendre à gérer le flot d’insultes qu’elle se prend autant de la part de simples inconnu·e·s que par des figures plus importantes, politiques ou journalistes. Une séquence impressionnante où se succèdent insultes et moqueries sur les réseaux sociaux ou à la télévision fait froid dans le dos alors que Greta semble prendre ça à la rigolade. Le documentaire nous plonge aussi dans sa vie de famille, où l’on comprend rapidement le rôle de son père qui, au-delà d’être son manager, est son premier soutien physique et psychologique (sa mère restant en Suède pour s’occuper de sa sœur mais qui suit évidemment chaque faits et gestes de sa fille) malgré ses réticences. Mais la jeune Greta est un sacré personnage qui a la tête sur les épaules, est têtue et sait ce qu’elle veut même si ce combat est épuisant au quotidien et que la fatigue vient le lui rappeler régulièrement, notamment lors de sa traversée de l’Atlantique à la voile pour se rendre à New-York où elle avoue qu’elle aimerait bien retourner à sa vie d’avant. C’est là qu’on se rend compte de l’étendue de son influence, qu’elle ne peut plus faire marche arrière parce qu’elle est Greta Thunberg est qu’elle est le visage de la jeunesse, qu’elle le veuille ou non. Là où réside le problème, c’est qu’on veut lui prêter des intentions qui ne sont pas siennes. Être porte-parole et demander aux dirigeants de se bouger face à l’urgence climatique ne doit pas l’obliger à venir avec des solutions concrètes (ce que beaucoup de journalistes lui reprochent). Son rôle a largement été déplacé au delà de ses capacités pour lui prêter un rôle de politique qu’elle n’a pas à endosser.
Loin d’être un simple constat alarmant quant à la situation de la planète, I am Greta est aussi le constat d’une adolescente submergée par quelque chose de beaucoup plus grand qu’elle et qui, malgré tous les obstacles, continue de mener sa barque pour se faire entendre. Évidemment qu’elle ne règlera pas la situation et ce n’est pas son rôle ni son but, mais sa dévotion à la cause permet à une nouvelle génération d’être peut-être plus consciente des dangers qu’elle encourt.
I am Greta de Nathan Grossman. 1h38
Sortie en salles le 29 septembre