Même si l’industrie cinématographique française semble prendre un malin plaisir à bouder le cinéma de genre (l’incompréhensible absence de L’Heure de la sortie aux Césars), le cinéma regorge de réalisateurs aussi talentueux qu’ambitieux. Et c’est sur les chapeaux de roue qu’on débute ce mois de février avec un coup de coeur. Un film unique qui répond au poétique titre La dernière vie de Simon ou la vie d’un petit garçon au pouvoir extraordinaire d’être capable de se transformer dès lors qu’il touche une personne. Une bénédiction lorsqu’il était petit, devenue une malédiction en grandissant suite à un événement tragique.
Le film familial fantastique qui ne sombre pas dans les facilités du film “bankable” aux États-Unis est une chose bien plus courante que par chez nous. On peut retenir notamment un Steven Spielberg qui s’illustre dans le genre depuis des années ou encore un Robert Zemeckis qui a cependant plus de mal à faire apprécier ses films, du moins récemment (son dernier métrage Bienvenue à Marwen fut un échec total alors que c’est l’un de ses plus aboutis, et un qui niveau sincérité lui tenait particulièrement à cœur). En France, ce type de proposition est très rare et a bien du mal à se faire une place dans une industrie cinématographique où le film fantastique, et de genre en général, ne sont pas reconnus à leur juste valeur. Ce n’est pas ce qui a fait peur à Léo Karmann, qui met les pieds dans le plat en mêlant intime et grand film familial.
Simon a 8 ans et est orphelin. Lorsque tout le monde dort, il en profite pour utiliser son incroyable pouvoir : celui de se transformer en une autre personne (à partir du moment où il a eu un contact physique avec). Exit le corps d’enfant pour se faire passer pour un adulte quelques heures et flâner dans la fête foraine. L’imagination est alors sans limites pour ce petit garçon solitaire qui, au détour d’une fête, fait la connaissance de Madeleine et Thomas. Eux vivent heureux avec leurs parents dans leur maison nichée sur une colline et se prennent tous d’affection pour ce petit garçon. Tout semble aller dans le meilleur des mondes jusqu’à ce qu’un tragique accident pousse Simon à prendre la place – et donc l’apparence – de Thomas sans que personne ne soit au courant. Obligé de vivre avec ce poids sur les épaules, c’est au moment de l’adolescence que les doutes et cette recherche de soi qui le perturbent vont pousser Simon dans une situation plus que précaire.
Un élan romanesque
Sans trop en dévoiler sur le film, La dernière vie de Simon est une petite prouesse, tout d’abord de poésie. Un fil conducteur dans un métrage qui ne sombre jamais dans la surenchère ou l’envie d’impressionner le spectateur. Il y a quelque chose d’assez déroutant d’ailleurs dans cette œuvre qui s’inscrit définitivement dans le film de genre sans pour autant exclure le grand public avec une morale et un propos universel : celui de la recherche de soi. En effet, qui n’a jamais voulu avoir la vie de quelqu’un d’autre en se persuadant qu’elle serait mieux ? Léo Karmann et sa co-scénariste ont décidé de prendre cette idée au pied de la lettre sans jamais rendre le tout idéaliste. Simon a fait un choix lorsqu’il était enfant, aujourd’hui il est obligé de l’assumer et d’en payer les conséquences.
Sous une lumière très solaire accompagné d’une BO qui joue fort pour accentuer les émotions, La dernière vie de Simon ne cache pas quelques faiblesses pour un premier long où l’on a forcément envie de tout mettre. La première partie est très calibrée et poétique, la seconde un peu plus bancale mais le film réussit à nous rattraper la main dans un dernier acte à couper le souffle, au sens propre comme au sens figuré. Quelque chose de très romanesque se dégage de cette réalisation qui, malgré ses faiblesses, est tellement une perle dans le genre qu’il serait dommage de ne pas souligner sa qualité générale, notamment grâce à son casting et aux deux personnages jouant Simon (Benjamin Voisin et Martin Kermann, des personnages à fleur de peau et qui dégagent une vraie pureté).
Le cinéma français regorge d’auteurs talentueux qui n’attendent qu’à exprimer leur passion et leurs idées. Alors, quand une petite merveille comme La dernière vie de Simon réussit à se faire une place sur grand écran, il est de notre devoir de soutenir une proposition aussi aboutie qu’audacieuse, en espérant que Léo Karmann ait ouvert une voie au genre fantastique et que d’autres s’y engouffreront sans attendre.
La dernière vie de Simon de Léo Karmann. Avec Benjamin Voisin, Camille Claris, Martin Kermann… 1h43
Sortie le 5 février
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