On ne répètera jamais assez l’importance de Sammo Hung dans le cinéma de kung-fu hong kongais. Rejoignant l’Opéra de Pékin à l’âge de 9 ans, il y rencontre Jackie Chan et Yuen Biao. Ils font partie des sept petites fortunes, une troupe d’arts martiaux au sein de cette école prestigieuse, Hung prenant le rôle du grand frère car il est un peu plus âgé que ses camarades. Recruté comme cascadeur pour le cinéma à 14 ans, il est celui qui introduit Chan et Biao comme cascadeurs au sein de l’industrie du cinéma de Hong Kong pendant que lui effectue ses premiers pas devant la caméra. C’est en effet lui qui affronte la légende Bruce Lee dans l’introduction d’Opération Dragon.
La mort du petit dragon en 1973 entraîne certes la mise en avant de dizaine de copies lancées par des producteurs surfant sur la « Bruce Lee-sploitation » (que moque Sammo dans Enter the Fat Dragon) mais permet surtout à des artistes martiaux tels que Sammo Hung, Jackie Chan, ou Yuen Biao de percer au sein de l’industrie de Hong Kong. À partir de la fin des années 70 et au cours des années 80, le trio réinvente le cinéma d’arts martiaux, popularisant la « kung-fu comedy » avec des classiques de l’âge d’or du cinéma de Hong Kong, dont Le Marin des Mers de Chine, Soif de Justice, ou Dragons Forever.

Sammo Hung, quant à lui, en plus d’être un combattant hors pair, fait preuve de réelles compétences dans la chorégraphie des séquences d’action dès ses débuts dans le cinéma avec The Angry River en 1970. Cette expérience lui permet d’être l’un des principaux chorégraphes de la Golden Harvest, qui lui offre le premier rôle en 1977 du film Shaolin Plot, réalisé par Huang Feng. La même année, se sentant mur pour passer derrière la caméra, il écrit avec Feng un scénario et parvient à convaincre Raymond Chow de lui confier la réalisation. Le Moine d’Acier raconte comment un jeune orphelin et disciple d’une école Shaolin se soulève et fait face à des Mandchous qui terrorisent la population en toute impunité.
Ce passage derrière la caméra permet à Sammo de développer sa propre personnalité, s’éloignant du style popularisé par Jackie Chan. Bien qu’il soit adepte de la « kung-fu comedy », l’acteur se démarque vite de son compère dans ses propres réalisations pour adopter un style bien plus noir et ambigu que Jackie Chan, qui lui doit tourner pour d’autres afin d’adopter un style plus sombre (Crime Story de Kirk Wong, ou First Mission de… Sammo Hung). La preuve avec Le Moine d’Acier, dont le récit suit les étapes classiques des films de Kung-Fu de l’époque. Un générique sous fond de démonstration de Kung-Fu, l’introduction du héros et de son traumatisme, la présentation des antagonistes, jusqu’à la confrontation finale avec le héros.
Une structure très classique que Sammo Hung fait basculer dans la violence, la barbarie et la cruauté. Le traumatisme du héros se solde par la mort brutale de son oncle. Sa première confrontation avec les Mandchous se fait à la suite d’un viol. Lorsqu’il reprend le passage habituel du héros apprenant le Kung-Fu à des ouvriers sans défense, il casse l’esprit triomphant pour les faire massacrer. Enfin, le combat final est un véritable bain de sang, le héros tuant un par un ses adversaires à une exception près qui a sans doute inspiré Quentin Tarantino dans Kill Bill. Une violence inhabituelle et surprenante pour ce qui est au départ présenté comme une comédie, mais qui traverse pourtant l’ensemble de son cinéma, de Warriors Two à Eastern Condors, jusqu’à Blade of Fury. Toujours prompt à surprendre son spectateur et à jouer avec ses émotions, le réalisateur fait usage de ruptures de ton brutales, passant d’une scène de comédie à une scène de meurtre sans prévenir.
Le Moine d’Acier est la première étape vers une évolution notable du cinéma d’arts martiaux de Hong Kong à travers la réalisation des combats. Historiquement dominé par les productions de la Shaw Brothers, ce cinéma se caractérise par des combats longs, techniques, et chorégraphiés sur un tempo linéaire et bien défini. Les combattants marquent un léger arrêt à chaque mouvement et les combats filmés à l’aide de longs plans et peu de coupes. Avec ce film, Sammo Hung entame le basculement vers une nouvelle forme de cinéma d’arts martiaux qui domine Hong Kong dans les années 80. Des combats qui cassent ce tempo linéaire, beaucoup plus vifs et rapides, et dont la mise en scène accompagne le rythme. Le découpage est plus dynamique, la durée des plans est plus courte.
Une première étape prolongée par la suite par Jackie Chan sur La Danse du Lion, qui fait définitivement entrer le cinéma d’arts martiaux dans une nouvelle ère. Ere dont Sammo Hung est l’un des plus grands artisans et son initiateur grâce à ce classique du cinéma d’arts martiaux à découvrir impérativement pour tout amateur du genre.
Le Moine d’Acier, de et avec Sammo Hung. Avec aussi Sing Chen, James Tien… 1h33.
Sorti en Blu Ray le 7 Octobre 2019.
[…] Comme réalisateur, il démontre depuis près de dix ans et ses débuts derrière la caméra pour Le moine d’acier, un savoir-faire indéniable dans la mise en scène de l’action, parvenant à dynamiser chacune […]