Un jeu télévisé dans lequel doit lutter à mort un héros du peuple ? Non, vous ne regardez pas Hunger Games, mais le Prix du Danger, un film français réalisé par Yves Boisset et sorti en 1983 avec en tête d’affiche… Gérard Lanvin !
Tout se passe dans un futur proche où une chaîne de télévision en difficulté, la CTV, a la brillante idée de la création d’un jeu télévisé impitoyable pour renflouer ses caisses : le « Prix du danger » dans lequel un homme, volontaire, doit rejoindre un lieu tenu secret tout en échappant à cinq assaillants à travers la ville ; s’il gagne, cet homme se voit donner la somme de 1 million de dollar. Simple, efficace, mais cruel. L’émission a un succès fou. On va alors suivre François Jacquemard (Gérard Lanvin), ancien travailleur pauvre et désormais chômeur, jeune et désinvolte, qui veut tenter sa chance pour se sortir de son quotidien de miséreux.
Film de science-fiction d’anticipation, Le Prix du Danger est intéressant par bien des aspects. En dépeignant à la fois la figure du prolétaire, reléguée au second plan des luttes politiques au cours des années 80, le film est saisissant pour le spectateur d’aujourd’hui en ce qu’il s’ancre parfaitement dans son temps, marqué par la montée d’un individualisme consumériste, dont la télévision est un relai efficace. Le film est même presque visionnaire dans son analyse des médias, inféodés à l’argent-roi. La télévision ne peut pas être un vecteur de progrès des êtres humains ; elle ne doit pas donner au « public » ce dont il a besoin, mais seulement ce qu’il désire au fond de lui. Ce désir se manifeste dans le film d’abord dans les pulsions consuméristes, avec la publicité, puis dans les pulsions meurtrières, qu’on ne peut assouvir en société, et que l’émission permet. Car en effet, ce sont d’autres « prolétaires » qui doivent éliminer le héros du jeu : les intérêts de classe disparaissent, on ne lutte plus contre le riche exploitant mais contre ses semblables, ce qui évite toute révolte contre un quelconque “système”.
Le film est donc principalement porté par ses thématiques dont les personnages principaux sont des relais en ce qu’ils incarnent des archétypes, voire même des caricatures. Gérard Lanvin joue son Gérard Lanvin, il grogne, râle et bougonne, distribue des baffes et ça fonctionne très bien avec ce rôle de prolo pseudo-rebelle désireux de sortir d’une routine misérable. Il peut être amusant de retrouver Bruno Cremer en magnat de la presse obsédé par l’argent mais surtout Michel Piccoli, dans un numéro de monsieur Loyal télévisuel survolté, qui met en évidence l’hypocrisie latente des présentateurs, bien plus occupés à leur image et l’audimat qu’à la vie et au quotidien des gens (quand ils ne font pas de remarques sexistes ou racistes par ailleurs !).
Alors bien sûr, le film ne brille pas vraiment pour sa forme, et son petit budget saute aux yeux. La mise en scène reste efficace par endroit en ce qu’elle détourne les artifices utilisés dans la télévision, sans être exceptionnelle : caméra épaule quand il s’agit de suivre les protagonistes du jeu par exemple, ou encore plan large façon plateau télé lors des émissions. Le jeu d’acteur des seconds rôles est très moyen, et il semble y avoir quelques erreurs de montage audio. Assurément, l’écriture de ce petit film qu’est le Prix du Danger est grossière, mais c’est justement ce qui en fait tout le charme.
En anticipant les dérives de la télé-réalité, les affres de la télévision ou l’orgie publicitaire de notre monde par le moyen d’une satire caricaturale, le Prix du Danger s’avère bien moins insignifiant ou grotesque qu’il n’y paraît au premier abord. Une petite perle perdue du cinéma français ?
Le Prix du Danger, d’Yves Boisset. Avec Gérard Lanvin, Marie-France Pisier, Michel Piccoli… 1h40
Sorti le 26 janvier 1983
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