Un an après la coupe du monde ayant eu lieu chez nous, compétition gagnée par les États-Unis, vainqueurs de la France en quarts de finale, il est l’heure de dresser un constat du football féminin. Si le nombre de licenciées augmente globalement depuis quelques années, que la visibilité croît peu à peu, Stéphanie Gillard, par son exploration du quotidien des joueuses de l’Olympique Lyonnais, vient montrer que le caractère professionnel de la discipline n’est pas encore une réalité concrète à tous les niveaux.
L’OL est peut-être la meilleure équipe du monde. Un palmarès fou, avec surtout sept Ligue des champions dont cinq consécutives – dans le film, tourné lors de la saison 2018/2019, elles en sont à cinq dont trois d’affilée. Alors que les échéances approchent, les dernières journées de Division 1 avec la course au titre contre le PSG, la coupe de France et celle aux grandes oreilles, Stéphanie Gillard révèle le fonctionnement d’une institution de janvier à mai. Celle-ci, si elle figure parmi les mieux structurées et plus performantes, s’avère être un cas à part. Comme les joueuses le précisent, le “luxe” auquel elles ont droit, vestiaire propre à l’équipe, centre d’entraînement, etc… n’est pas encore monnaie courante pour toutes leurs collègues. Le premier match de championnat nous étant montré en est la preuve. Le déplacement à Fleury ressemble davantage à une rencontre masculine de niveau amateur qu’à une vraie rencontre de l’élite, entre l’allure des vestiaires et celle des tribunes. Une question se pose alors : où en est le football féminin en France ?
Par les témoignages recueillies par Stéphanie Gillard sur divers sujets, on en apprend plus. Un rappel important est surtout effectué, celui qu’il s’agit d’un sport récent. Malgré tout, plusieurs enjeux majeurs existent. Comme le disent Wendie Renard, joueuse emblématique de l’OL et de l’Equipe de France, et Jessica Fishlock, internationale galloise, il y a une nécessité de transmission. Ces leaders et icônes de l’essor du foot féminin doivent passer le flambeau et donner l’envie à d’autres de les relayer. Visites d’écoles pour inciter les gamines intéressées à taper dans le ballon avec les garçons sans avoir peur, ou simplement échanges avec les plus jeunes du centre de formation, on constate une vraie solidarité et foi en l’avenir. Une idée que l’on retrouve souvent aussi lors des scènes plus intimes, lors des soins ou des repas, montrant la complicité des coéquipières, donnant l’impression de voir une famille. Ce fil rouge, particulièrement porté par le parcours de la jeune Selma Bacha, offre un regard fort sur le rêve de professionnalisme et le travail conséquent à fournir pour y arriver. Avec les cours à gérer d’un côté, les performances à assurer de l’autre, avec des échecs possibles dans les deux sens et des critiques négatives qui surgissent rapidement.
Parallèlement, on voit une équipe essayer de démontrer qu’il faut respecter cette discipline autant que le pendant masculin. Gillard filme des confessions qui insistent bien sur cette notion de respect et une simple volonté d’amélioration des conditions de travail pour toutes les pratiquantes dites professionnelles. Loin de quémander des salaires égaux à ceux des hommes, car conscientes de l’écart considérable dans la monnaie insufflée entre le foot féminin et masculin, elles se battent pour être reconnues pour ce qu’elles sont : des joueuses dont il s’agit du métier, qui s’acharnent pour être au meilleur niveau et enchaîner les trophées.
C’est aussi l’occasion de profiter d’extraits de matchs, de frissonner un peu devant les coups de tête d’Ada Hegerberg, les percées de Delphine Cascarino ou les dribbles d’Amel Majri. Filmés de près par la cinéaste, ces moments sont immersifs, montrant une réalité du terrain, entre effort physique intense et contacts. La seule danse opérée est celle de leurs appuis sur le rectangle vert, spectacle qui n’a pas forcément beaucoup à envier à celui offert par leurs collègues masculins. Stéphanie Gillard livre donc un documentaire intéressant et nécessaire sur le football féminin. Facilement raillé, parfois sur le ton de l’humour mais souvent réellement, ce sport en constante évolution prouve année après année son développement. En espérant, grâce à ce genre de démarche et à une visibilité de moins en moins timide, que le caractère professionnel n’ait plus l’air d’une illusion sur certains points à l’avenir.
Les joueuses #paslàpourdanser de Stéphanie Gillard. Avec l’équipe féminine de l’Olympique Lyonnais.
Sortie le 9 septembre 2020.