Linda veut du poulet !

[CRITIQUE] Linda veut du poulet ! : Pas très végé mais très tendre

Si Chiara Malta se lance pour la première fois dans le cinéma d’animation, elle peut compter sur un binôme de taille en la personne de Sébastien Laudenbach déjà fort d’une précédente expérience avec le poétique La jeune fille sans mains – mention du jury au Festival d’Annecy en 2016 -. À elleux deux iels peuvent se targuer d’avoir fait sensation autant à Cannes (via la sélection de l’ACID) qu’à Annecy avec Linda veut du poulet !, une aventure à hauteur d’enfants dans une France en pleine grève à la recherche d’un poulet à manger. Difficile de faire plus français que ça.

Les aplats de couleurs vives sur l’affiche donnent déjà le ton du long-métrage, qui conserve une énergie débordante. Le monde vu à travers les yeux d’un enfant explose à l’écran et chaque personnage possède sa couleur distinctive. Au milieu de cette palette, un objet brille plus que les autres : la bague de Paulette, la mère de Linda. Lorsqu’elle accuse sa fille de lui avoir dérobé l’objet et se rend compte de son erreur, Linda lui fait une demande plutôt inhabituelle : elle veut manger un poulet aux poivrons. Pour celle qui n’a aucun talent culinaire, c’est un parcours de combattante qui s’annonce.

Copyright Gebeka Films

D’amour et de poulet

Chiara Malta et Sébastien Laudenbach réussissent à créer un voyage ludique, drôle et mélancolique. Sans que l’on ne connaisse le contexte, nous apprenons que le pays est en grève et comprenons que trouver un poulet risque d’être mission impossible. Linda s’attache avec une grande détermination à son souhait de partager ce repas tandis que Paulette doit user de ruses audacieuses pour que l’entreprise se concrétise. La galerie de personnages s’élargit, accompagnée d’une once de naïveté qui donne tout son charme au film, notamment à travers les autres enfants du complexe où habite Linda qui voient là une occasion d’aider leur amie. Il se dégage quelque chose de presque nostalgique, nous renvoyant à notre enfance avec cet humour communicatif et insouciant. Derrière cette apparente innocence, Linda veut du poulet ! se veut également porteur d’un message social qui s’inscrit dans l’actualité. Linda et Paulette vivent dans une cité qui n’est à aucun moment stigmatisée et à quelques mètres de là, la colère gronde. Si personne ne scande « Macron démission », chacun·es revendiquent de meilleurs salaires, de meilleures conditions de travail et des inquiétudes d’ordre environnemental. Sans pour autant s’attarder sur ce point, il est intéressant d’observer ces revendications sous le prisme de l’enfant qui ne se rend pas forcément compte de ce qui se passe mais qui est sûr d’une chose ici, les policiers ce sont les méchants et il faut les battre à tout prix – un combat que rejoignent les adultes avec grand plaisir et représenté par un gendarme, Serge, tourné constamment au ridicule -.

Derrière cette apparente légèreté, Linda ne veut pas que du poulet pour le plaisir de sa chair tendre. Cette recette, dernier lien avec son père décédé, est pour elle comme une lumière dans l’obscurité – mis en image par un bel interlude musical de Clément Ducol, également compositeur d’Annette -, l’ultime occasion de raviver un souvenir avant d’accepter le vide laissé par la disparition de l’être aimé. Il s’agit d’un héritage à faire perdurer à travers un simple plaisir gustatif, mais aussi de prendre conscience qu’il est essentiel de continuer à avancer, de peur que la tristesse ne nous enchaîne à un passé qui nous empêche de vivre pleinement.

S’il est de bon ton de dire que les films d’animations sont autant destinés aux enfants qu’aux plus grands, Linda veut du poulet s’offre deux lectures : à vous de décider si vous y voyez une folle escapade à la recherche d’un poulet ou un élan d’insoumission optimiste remettant en question l’ordre établi par les « poulets ». Chiara Malta et Sébastien Laudenbach nous offrent ainsi une œuvre à la fois drôle et fantastique, hymne – un peu – à la bonne bouffe française mais surtout à l’amour, aux liens familiaux et amicaux comme arme ultime face aux désagréments de la vie.

Linda veut du poulet ! Écrit et réalisé par Chiara Malta et Sébastien Laudenbach. Avec les voix de Mélinée Leclerc, Clotilde Hesme, Laetitia Dosch… 1h16

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