Beaucoup de sentiments contradictoires se bousculent à la sortie de Lucky Day . Est-ce un mauvais film ? Un nanar ? Un mauvais nanar ? Une vaste blague ? Est-ce qu’on l’adore pour son kitsch ou au contraire on le déteste pour cette même raison ? Il est vrai qu’aux premiers abords Lucky Day ressemble à du (mauvais) Tarantino (et c’est loin d’être un pur hasard) mais lorsqu’on s’intéresse un peu plus à la vie du bonhomme, quelque chose d’assez sincère se dégage finalement de son film.
Roger Avary est loin d’être étranger au cinéma de Tarantino. Celui qu’il a rencontré dans un vidéoclub, devenu son ami, l’a alors engagé pour écrire à ses côtés quelques dialogues de Reservoir Dogs et une bonne partie de Pulp Fiction( pour lequel le duo a d’ailleurs reçu un Oscar). Pas étonnant alors de retrouver des années plus tard la fameuse recette Tarantino appliquée à Lucky Day : un ancien braqueur sort après deux ans de prison pour un braquage qui a mal tourné, il retrouve sa femme, sa fille qui a bien grandi depuis, un magot caché. Et surtout un tueur engagé par la pègre au penchant psychopathe plus que prononcé qui prend un malin plaisir à zigouiller tout le monde,le tout avec un accent français à découper à la hache mal affûtée.
Toute l’addition est là : des personnages bourrins, de la vengeance, de l’hémoglobine à profusion, de la violence à tout va et absolument gratuite, de l’humour et même une bande-son signée Tomandandy (à qui on doit notamment les BO des films Resident Evil) qui dépote. Malheureusement, Roger Avary doit avoir un peu de mal avec les mathématiques car le résultat qui en sort est assez… indigeste. Un trop-plein mal dosé d’à peu près tout. Rien d’original sous le coude et des personnages qui deviennent très vite agaçants, le psychopathe Luc en tête de mire et Chloé dont les accents français feront saigner plus d’une oreille.
C’est un fait, le film est mauvais mais bizarrement, le curseur de l’absurde est poussé tellement loin qu’on arrive à décrocher un rire, même plusieurs. Ce sont certes des rires nerveux mais plus rien ne peut nous étonner. Il y a même un côté jouissif à savoir jusqu’où la folie de ce film peut aller. Maintenant se pose une question : qu’est-ce que le réalisateur a-t-il bien pu prendre comme substance illicite pour en arriver là ? Et bien la réponse peut paraître déroutante mais Red, le personnage principal de Lucky Day, c’est un peu lui. Pour comprendre tout ça il faut remonter à 2008 et un accident de voiture dans lequel il était impliqué – et en état d’ébriété -. Sa femme est emmenée à l’hôpital, son ami décède sur le coup et Roger Avary se retrouve derrière les barreaux pendant un an.
Pour survivre, Roger Avary écrit plusieurs scénarios dont Lucky Day dans lequel il pose sur papier ses remords, sa culpabilité, l’envie d’avoir une seconde chance et comme il le dit lui-même (dans une interview accordée au Point POP), Red lui ressemble car c’est un trou du cul. La messe est dite. Son personnage essaie de tout gérer mais rien ne se passe comme prévu dans un monde devenu totalement incontrôlable et c’est cette folie qu’il a voulu retranscrire à l’écran. Il est vrai qu’avec un peu plus de maîtrise ça aurait été plus plaisant mais bizarrement, on comprend que ce film est une sorte de psychanalyse, d’extérioriser cette période compliquée de sa vie.
En toute honnêteté, Lucky Day est un petit peu le fruit du diable entre Tarantino et le Diable. On ne pensait pas qu’un tel enfant pouvait exister mais maintenant qu’il est là on arrive à lui trouver une certaine complaisance et à même y trouver un certain plaisir coupable à se laisser emporter par tout ce qui fait que ce film est très mauvais.
Lucky Day de Roger Avary. Avec Luke Bracey, Nina Dobrev, Crispin Glover… 1h35
Sortie le 18 septembre