Le calendrier de l’avent On se fait un ciné x UniversCiné touche à sa fin. Durant 23 jours, chaque rédacteur vous aura fait découvrir un ou plusieurs films disponibles sur cette jolie plateforme qui prône un cinéma d’auteur, un peu plus loin que ce que peut proposer les autres. Et quoi de mieux pour le conclure qu’une belle leçon de vie tendre et solaire ? Pour couronner le tout, c’est un film français, une preuve de plus que notre pays regorge de très beaux talents.
Elisa est une jeune femme solaire et pleine de vie. En pleine adolescence, elle arrive à un moment charnière de sa vie. Alors que cet été devait être placé sous le signe du soleil et des vacances partagées entre sa famille et le garçon qu’elle fréquent, Elisa se retrouve avec un dilemme terrible : rester à la rentrée avec son père et sa grande sœur lourdement handicapée ou prendre son envol pour partir étudier à Montpellier. Il lui reste deux mois pour prendre une décision qui ne sera certainement pas sans conséquences.

La réalisatrice Margaux Bonhomme a décidé de s’inspirer de sa vie et de sa soeur lourdement handicapée mentale pour son premier long-métrage. Un film résolument intimiste porté sur la relation qu’entretiennent Elisa et Manon. Cette dernière a besoin d’attention et d’aide constamment et tandis que cette tâche est déjà bien compliquée pour toute la famille, voilà que leur mère part du jour au lendemain, épuisée par la charge mentale et physique que cela représente. Sans s’en apercevoir, Elisa prend la place de sa mère. Non pas par obligation mais par envie, parce qu’elle sait que sans elle ce château de cartes déjà précaire s’écroulerait aussitôt. C’est dans ce cadre qu’elle doit se construire et faire ses choix. Aimer sa famille oui, mais ne pas s’oublier.
Le film nous dépeint une jeune femme en pleins doutes. Tiraillée entre l’envie de prendre son envol et celui d’être auprès de sa soeur. Malgré la lourdeur du sujet, il n’hésite pas à prendre des pauses, des respirations. Des moments de calme où ce trio vit à l’unisson à travers les rires et les regards remplis d’amour. Mais à tout moment la réalité peut refaire surface parce que le handicap est là et ne partira jamais. Elisa aime autant qu’elle déteste sa soeur d’où le titre donné “Marche ou crève”. Une menace qui semble extrême, brutale et qui pourtant prend tout son sens dans une scène où la jeune femme a atteint le point de non retour, tout ce poids accumulé sur ses épaules la fait craquer et provoque un déclic pour comprendre la situation, qui elle est, pourquoi sa mère est partie. Le sacrifice qu’elle était prête à faire n’était peut-être finalement pas si bénéfique.

Le film est servi par un casting impeccable. En tête de liste Diane Rouxel dont les traits angéliques cachent une force mentale extraordinaire. Une douceur qui se laisse guider par les flots tantôt doux, tantôt violents. Elle est accompagnée de la formidable Jeanne Cohendy qui a fait un très long travail en compagnie de personnels évoluant auprès de personnes lourdement handicapées mentalement. Un choix qu’on aurait pu trouver regrettable à l’heure où l’on cherche plus de diversité au cinéma mais que la réalisatrice justifie dans le dossier de presse en expliquant que vouloir travailler avec une actrice ayant le même handicap que sa soeur serait – à regret – une perte de temps lorsqu’il s’agirait d’adapter les emplois du temps, toute la logistique sur le plateau ou bien même toute la préparation en amont. Un travail assez conséquent qui aurait pu mener à des retards qu’elle ne pouvait pas se permettre, d’autant plus pour un premier film. Mais outre ce détail, le film brille par sa beauté plastique, ce grain et ces couleurs réchauffantes, comme pour nous envelopper et nous rassurer malgré le tonnerre qui gronde.
Pour un premier film, Margaux Bonhomme offre une chronique familiale personnelle et touchante. Pas forcément parfait (même si un premier film n’est jamais parfait) mais sincère et bienveillant. Marche ou crève est un exemple de force, de courage et d’amour en plus de nous présenter une réalisatrice très prometteuse.
Marche ou crève de Margaux Bonhomme. Par Margaux Bonhomme et Fanny Burdino. Avec Diane Rouxel, Jeanne Cohendy, Cédric Kahn… 1h25
Sortie le 5 décembre 2018