Après un passage à la Cinéfondation en 2018 avec son court-métrage du même nom, Jamie Dack s’est illustrée au dernier festival de Sundance en remportant le prix de la meilleur réalisatrice dans la catégorie US Dramatic Competition. Et, alors qu’on évoquait l’importance du corps féminin à travers les yeux de celles qui sont concernées dans Body Parts, Palm trees and power lines inscrit définitivement sa réalisatrice parmi les nouveaux talents dont on a hâte de suivre la carrière.
Lea a dix-sept ans et passe son temps à flâner chez elle au cours d’un été solaire et paisible. Ses journées s’alternent entre séance de bronzage, sieste sur le trampoline et sortie avec sa meilleure amie. Lors d’une soirée entre amis dans un resto du coin, elle fait la connaissance de Tom, un homme plus âgé dont le charisme l’attire immédiatement, jusqu’à la faire tomber amoureuse. De par la naïveté de la jeunesse, Lea le suit aveuglément dans ses aventures jusqu’à en arriver à un point de non retour où la manipulation, soigneusement préparée par ce dernier, atteint des vices inimaginés. Mais, à dix-sept ans, sommes-nous vraiment capable de se défaire de liens qui nous unissent à celui qu’on considère comme l’homme de sa vie ?

Lea est une adolescente très discrète, qui n’a pas énormément d’ami·es et qui semble avoir une relation très compliquée avec sa mère qu’elle critique pour son manque d’implication, préférant batifoler avec des hommes. Quand elle rencontre Tom c’est le coup de foudre, celui sur lequel elle peut se raccrocher pour avancer. Ce qu’elle ne sait pas encore, c’est qu’elle vient de mettre un pied dans un engrenage extrêmement dangereux, celui de la prostitution. Aux États-Unis, un·e mineur·e est exploité·e dans l’industrie du sexe toutes les deux minutes. Avec son film, Jamie Dack s’empare de ce sujet sans jamais tomber dans le misérabilisme ou le démonstratif. Même si le/la spectateur·ice se doute que quelque chose se trame, les indices sont disséminés au fur et à mesure du récit au détour d’un regard, d’une porte qui se referme dans un motel miteux ou d’une serveuse dans un diner qui propose à Lea de l’aide. En parallèle, les mécanismes de persuasion et de manipulation se dessinent sous nos yeux jusqu’au point de non retour à travers cette phrase qui semble anodine et pourtant forte de sens lorsqu’iels se trouvent dans une chambre d’hôtel et que Tom lui dit “Tu ne me quitteras pas”. Point de question ici mais une affirmation par laquelle Léa se retrouve piégée, obligée de lui répondre par l’affirmative.
Toute la subtilité du propos de Jamie Dack passe également par sa mise en scène lorsqu’il s’agit de montrer le corps de Lea, notamment lors de sa rencontre avec un des clients de Tom. Caméra centrée sur le visage de celle qui subit un viol, il s’agit de se centrer sur son point de vue, et de ne jamais tenter le/la spectateur·ice par l’action qui se déroule. Il est de ce fait bon de souligner la qualité du casting : que ce soit Lily McInerny qui, si elle continue de choisir aussi soigneusement ses projets, peut devenir une grande actrice tant son charisme et sa fragilité transpercent l’écran ou Jonathan Tucker qui offre ici une prestation solide qui sait naviguer entre perversion et charisme.
Ainsi Palm trees and power lines gagne en puissance en faisait le portrait d’une adolescente prise au piège de par sa naïveté et son manque de repères affectifs. Une analyse également de comment une jeune femme ordinaire peut tomber dans la prostitution à son insu et comment il est difficile de s’en sortir, en témoigne une scène finale glaçante de vérité. De par sa véracité, son travail d’écriture et de mise en scène, Palm trees and power lines s’inscrit comme l’un des meilleurs films de la compétition de ce 48e Festival de Deauville.
Palm trees and power lines de Jamie Dack. Avec Lily McInerny, Jonathan Tucker, Gretchen Mol… 1h50