Rétrospective Xavier Dolan #1 : J’ai tué ma mère

Après avoir posé nos valises au Japon avec le studio Ghibli, s’être promené avec Brian de Palma et avoir assisté à la déchéance de Dario Argento, on vous propose un billet direction le Canada pour se plonger dans la filmographie du Québécois le plus connu de tou·te·s : Xavier Dolan. Une filmographie déjà bien dense pour un jeune réalisateur qu’on va se faire un plaisir de décortiquer en attendant son retour, cette fois-ci sur le petit écran, avec la série La nuit où Laurier Gaudreault s’est réveillé pour Canal +, prévue en 2022.

Xavier Dolan baigne dans le monde du cinéma depuis son plus jeune âge. D’abord comédien à l’âge de quatre ans puis doubleur (Rupert Grint dans Harry Potter et Taylor Lautner dans Twilight), il se lance dans l’écriture de scénario en écrivant J’ai tué ma mère à seulement seize ans avant de mettre toutes ses économies pour produire le film et de recruter lui-même ses acteur·ice·s (Anne Dorval et Suzanne Clément), donnant déjà une certaine idée du garçon et de la persévérance qu’il cache en lui. La consécration vient peu après lorsque son film est sélectionné à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes et repart avec trois prix.

Stills from 'I Killed My Mother' (J'ai tué ma mère) Directed by Xavier  Dolan ; 2009

Dire qu’Hubert Minel a une relation tendue avec sa mère Chantal est un doux euphémisme. Les deux jouent constamment au chat et à la souris. Hubert a mille et un reproches à lui faire : sa façon de se maquiller, de s’habiller, de décorer sa maison et les chansons ringardes qu’elle écoute. Son père a déserté depuis belle lurette et il se retrouve un peu perdu dans cette relation du je t’aime moi non plus (un thème qui sera cher au réalisateur). Dans ce tumulte qu’est la vie d’adolescent à 17 ans, Hubert trouve un point d’ancrage en Antonin, son petit-ami (dont il cache expressément la relation à sa mère) et sa professeure Julie qui devient sa confidente. Alors que tout semble plus ou moins se stabiliser pour lui, le retour de son père et d’une mauvaise nouvelle va accentuer le fossé déjà bien profond entre Hubert et sa mère.

Bruyant. S’il y a bien un défaut notable à ce film, c’est par ce terme qu’il se résume. J’ai tué ma mère cumule toutes les erreurs imputables à un premier film. Une envie de tout dire, de trop dire, parfois n’importe comment. Dès les premières secondes du film, Xavier Dolan (qui campe Hubert) hurle sur sa mère qui le lui rend bien. Les bases sont posées, la relation est tendue. La haine est telle que les cris sont provoqués par des broutilles, des détails. Rapidement les scènes sont entrecoupées d’images filmées en noir et blanc, Hubert face caméra qui nous parle de sa mère. Il la déteste, a en horreur tout ce qu’elle est et ce qu’elle représente dans sa vie. Paradoxalement, il l’aime et refuse que quiconque lui fasse du mal. Derrière tous ces cris, on décèle quelque chose. Une particule, de l’amour entre eux malgré toutes les saloperies qu’ils se balancent à la gueule.

L’autre récurrence qu’on retrouve dans le cinéma de Dolan, ce sont ses trios. Le long-métrage commence avec Hubert et sa mère avant que sa professeure n’intervienne. Une parenthèse de calme entre deux tempêtes. C’est elle qui arrive à tempérer Hubert et à lui ouvrir les yeux sur l’importance de sa mère. Suzanne Clément excelle dans cet exercice tout en douceur et bienveillance.

I Killed My Mother (J'ai tué ma mère) | I killed my mother, Xavier dolan,  Film inspiration

Du côté de la mise en scène, Xavier Dolan sait exactement ce qu’il veut faire, ce qu’il veut montrer et comment. Sa caméra scrute les expressions faciales de ses personnages : la compassion dans les yeux de Julie, les mauvaises manières de Chantal lorsqu’elle mange et toutes les contradictions qui se lisent chez Hubert. Ses personnages sont perdus, autant dans la société que dans leur propre vie, se retrouvant régulièrement seuls à l’écran. Le film s’offre même quelques fulgurances lors de ralentis poétiques et oniriques ou lorsqu’il s’agit de remettre au goût du jour certaines vieilles chansons (l’autre gros dada de Xavier Dolan).

À seulement vingt ans, Xavier Dolan nous dévoile un univers déjà bien singulier avec un premier film fort. Loin d’être parfait, probablement excessif dans ce qu’il veut dire et montrer mais nous verrons comment il arrive à affiner son style tout en continuant à explorer ses thèmes de prédilection.

J’ai tué ma mère de Xavier Dolan. Avec Xavier Dolan, Anne Dorval, Suzanne Clément… 1h40
Sortie le 15 juillet 2009

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