Une fois l’épreuve du feu du premier long-métrage passée, le public découvre un bourreau de travail qui sort un deuxième film l’année suivante. De retour également au Festival de Cannes – dont il repart bredouille – avec Les Amours Imaginaires, un film beaucoup plus léger mais qui n’en est pas moins efficace et lui permet de conforter petit à petit sa position dans le paysage cinématographique.
Francis et Marie sont ami·e·s depuis des années. Leur petit train-train quotidien se retrouve bouleversé par l’arrivée de Nicolas, un beau jeune homme à la gueule d’ange qui ne laisse personne indifférent, encore moins ces deux ami·e·s. Alors qu’iels tombent irrémédiablement amoureu·se·x de Nicolas, le trio tombe rapidement dans quelque chose d’extrêmement malsain où il est désormais question d’être le·la meilleur·e à ses yeux.
Fort du joli succès rencontré par son premier film, Xavier Dolan rempile devant et derrière la caméra accompagné d’ami·e·s et de gens avec qui il a déjà travaillé (Niels Schneider et Anne Dorval dans J’ai tué ma mère et Monia Chokri avec qui il est ami depuis longtemps) pour ce second long-métrage qui vient confirmer le style du cinéaste et ses thèmes favoris. Cette fois-ci, place à l’amitié, à l’amour et la rivalité qui en découle.

Isabelle Pierre chantonnait “Le temps est bon, le ciel est bleu, j’ai deux amis qui sont aussi mes amoureux” et quoi de mieux pour ouvrir le film que ces paroles qui résonnent drôlement avec le thème du film. On y découvre Nicolas, personnage aussi narcissique que séduisant dont Francis et Marie s’éprennent. Nicolas ne se rend pas compte du mal qu’il leur fait car il a besoin de se sentir aimé et ça tombe bien, le voilà avec une double dose de compliments et de regards braqués sur lui. Pendant ce temps, c’est loin d’être un jeu pour Francis et Marie qui se livrent une bataille acharnée pour conquérir le cœur de leur élu. Le film s’appuie sur cette dispute silencieuse faite de cadeaux, de compliments et de sorties pour rendre discrètement l’autre jaloux·se. On s’amuse, on exulte même à les regarder se chamailler de la sorte jusqu’à en venir aux mains au beau milieu de la forêt.
Une fois de plus, l’œil aiguisé de Xavier Dolan fait mouche. Il réussit à capturer cette ferveur amoureuse, les mains moites lorsqu’on est face à celui qui fait chavirer notre cœur, l’œil pétillant, l’envie de bien s’habiller pour lui plaire et aussi les moments de doutes lorsqu’on ne s’estime pas assez bien pour l’autre. Il semblerait que les rôles aient été écrits pour ce trio tant l’alchimie fonctionne et fait des merveilles à l’écran, entre l’innocence de Xavier Dolan, la fragilité cachée de Monia Chokri et l’indécente beauté de Niels Schneider. Le trio se répond dans un jeu de ping-pong pendant 1h30 qui rend le tout drôle et divertissant avant que Francis et Marie ne comprennent que tout ceci n’était qu’un jeu pour Nicolas. On retrouve alors les thèmes déjà abordés avec l’amour, celui qui fait mal, la haine qui peut en découler.
L’écrin est extrêmement travaillé dans un esprit rétro allant des chansons aux couleurs, en passant par les costumes. Un soin tout particulier est donné encore une fois à la mise en scène où le réalisateur nous régale encore de ces plans fixes dont il a le secret. On retrouve sa poésie inhérentes ainsi que ses longs ralentis, ici victimes d’un certain abus. Il reprend également son idée de confessions face caméra avec d’autres personnages (étranger·e·s à l’histoire) qui philosophent sur l’amour qui les anime mais qui peut aussi les rendre fous/folles. Des coupures qui apportent finalement peu au long-métrage tant le reste fonctionne déjà.
Avec Les amours imaginaires, Xavier Dolan signe une œuvre plus légère mais pas forcément moins intéressante, tant sur le plan scénaristique que technique. C’est l’occasion pour lui d’affiner son style ainsi que ses propos après un J’ai tué ma mère un poil trop bruyant tout en gardant l’essence même de son cinéma.
Les amours imaginaires de Xavier Dolan. Avec Xavier Dolan, Monia Chokri, Niels Schneider… 1h42
Sortie le 29 septembre 2010