S’il a toujours cherché à filmer la vie en un ensemble de relations sociales codifiées, Ozu s’est particulièrement concentré à la fin de sa vie sur la question de la vieillesse. Fin d’Automne est le premier film de cette sorte de “trilogie” de la vieillesse, avec Dernier Caprice et Le goût du saké.
Akiko est veuve depuis six ans, et vit avec sa fille Ayako. Lors d’une cérémonie en l’honneur de Miwa, son regretté mari, et en compagnie de Hirayama, Mamiya et Taguchi, ses amis de toujours, est évoqué le problème du mariage d’Ayako. Elle a déjà 24 ans, et n’est pas encore mariée. Voilà qui, pour les trois hommes, n’est pas une situation enviable. Ils se lancent dans une campagne pour convaincre la mère de marier sa fille. Seulement, se pose le problème de laisser seule Akiko. L’un des trois finira bien par la convaincre, elle, à son tour, d’en épouser un.
À la fin de sa vie, le style d’Ozu, reconnaissable entre mille, a déjà atteint son paroxysme : il pose sa caméra sur son socle artisanal pour filmer depuis le sol dans les intérieurs pour voir les corps en entier quand ils sont debout, et être à hauteur de tatami une fois assis. Le film est dans la continuité des six autres films en couleur d’Ozu : une photographie granuleuse aux couleurs rendues vives, créant ainsi un sentiment d’harmonie entre personnages et leur environnement, géométriquement agencé mais réaliste.

Fin d’Automne parvient, non sans malice, à montrer, une fois de plus, les relations très fortes de domination du sexe masculin sur le sexe féminin. Les hommes décident pour les femmes quand il est bon de se marier, quand il est bon d’avoir un enfant, quand il est bon de se remarier… Pendant ce temps, eux, boivent, discutent, et se font servir par les femmes qui les entourent. Fin d’Automne utilise pourtant la figure de la veuve et de la jeune fille orpheline de père comme chant du cygne d’une société sclérosée par les hommes. Celles qui ont perdu “l’homme de leur vie”, père ou mari, sont aussi celles qui sont les plus susceptibles de s’émanciper. La fille ne veut pas se marier de suite, la mère souhaite simplement garder le souvenir de son mari.
Bien sûr, le récit n’est pas celui d’une totale libération. L’important est simplement que les deux femmes décident de leur destin. Et pourtant, d’une génération à l’autre, les rapports sociaux n’ont pas la même nature, et paradoxalement, cela donne une dimension universelle au cinéma d’Ozu, voulant se rapprocher le plus possible de la “vérité” des sentiments humains.
Par un jeu de dupe mais aussi de conflit, Ozu montre que les aspirations des trois hommes, qui pensent bien faire, sont en réalité vaines. Les codes de la société japonaise de l’époque ne sont pas critiqués ou dénoncés, mais simplement rendus absurdes par un contexte qui ne s’y prête plus. Fin d’Automne marque la fin d’un monde sclérosé, et le début d’un monde des possibles, où les codes et les règles ne sont plus forcément et scrupuleusement respectés, mais adaptés à chaque relation, et à chaque être humain.
Fin d’Automne de Ozu Yasujir?. Avec Hara Setsuko, Tsukasa Yoko, Okada Mariko... 2h08
Film de 1960, sorti le 28 novembre 1979 en France
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