Rétrospective Xavier Dolan #3 : Laurence Anyways

Le cinéaste québécois continue de faire sa petite place dans l’industrie cinématographique et il semblerait que le Festival de Cannes l’aime énormément puisqu’il revient une troisième fois sur la Croisette l’année suivante avec un nouveau film, Laurence Anyways.

Xavier Dolan a 23 ans lorsqu’il écrit et et réalise Laurence Anyways. C’est une fresque qui s’étale sur plusieurs décennies et nous plonge au cœur du couple formé par Laurence et Fred. Ils sont heureux, ils sont amoureux et fougueux. Laurence est un professeur de philosophie émérite , apprécié de tou·te·s et couronné d’un prestigieux prix littéraire. Tout semble aller pour le mieux mais il cache un secret : il ne se trouve pas dans le bon corps. Né homme, il se veut femme. Profondément amoureuse et prête à le suivre jusqu’au bout du monde, Fred accepte sa transformation et le soutient dans toutes ses décisions. Mais comment faire front lorsque le monde, les gens, le corps enseignant et leur propre famille les jugent ?

Dès les premières secondes, Dolan impose sa patte et sa poésie inhérente au film. En quelques secondes, quelques plans et quelques regards, tout le propos s’expose aux yeux des spectateur·ice·s. Cette silhouette longiligne de dos est le centre névralgique de cette histoire. Le film fait un bond dix ans en arrière, quand rien n’était acté. On y découvre Laurence en compagnie de Fred (magnifique Suzanne Clément qui repart avec le prix d’interprétation féminine dans la catégorie Un certain regard), amoureu·ses·x passionné·e·s déblatérant pendant des heures sur la littérature, la philosophie et la vie. Mais entre deux rires, on aperçoit un Laurence soucieux. Le jour de son anniversaire, le couperet tombe, il doit être une femme sinon il meurt. Mais à quel prix ?

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Laurence Anyways est un hymne à la vie, à l’amour sous toutes ses formes, aux genres, à la liberté d’être la personne que l’on veut être sans jugement à travers les obstacles que traversent Laurence et Fred. Les passions de Xavier Dolan se dessinent de nouveau : l’absence de la figure paternelle, l’amour passionnel destructeur, les relations compliquées avec la figure maternelle… Mais il y ajoute une dimension encore plus importante, onirique dans ses scènes au ralenti, poétiques et même cinglantes à mesure que Laurence s’accepte en tant que femme. La photographie sublime chaque instant, réussit à dégager une émotion pure et forte. De l’amour, de la peur, de la colère à travers l’histoire d’un couple qui subit des hauts et des bas. Tomber pour mieux se relever, se quitter pour mieux se retrouver.

Le film prend son temps, et ses 2h48 peuvent sembler abruptes à appréhender. La première partie expose ses personnages avec cette vergogne, quitte à en faire trop. Avec les deux métrages précédents, on a compris que c’était aussi sa marque de fabrique. Mais une fois la première heure passée, Dolan nous embarque dans des montagnes russes d’émotions et célèbre la femme autant dans sa construction (Laurence) que sa reconstruction (Fred, ou encore Julienne, la mère de Laurence) qui ne peut se faire qu’à travers le regard des autres. Laurence cherche l’approbation de sa compagne mais aussi de sa mère ou encore de ses élèves. Tout est une question de regard, des regards de personnages qui s’ancrent dans la caméra. Laurence pose les pierres qui forment la personne qu’elle sera pendant que les regards se transforment, passant d’interrogateurs à séducteurs lorsqu’un jeune garçon lui fait un clin d’œil ou lorsqu’elle appuie le fait que la journaliste qui l’interviewe la fuit constamment du regard.

Laurence Anyways est la quintessence du cinéma de Xavier Dolan et de ses obsessions dans un style qui s’affirme encore plus que dans les précédents métrages, le tout sublimé par une partition jouée à merveille par Melvil Poupaud et Suzanne Clément qui donnent corps et vie cette histoire d’amour tumultueuse.

Laurence Anyways de Xavier Dolan. Avec Melvil Poupaud, Suzanne Clément, Nathalie Baye… 2h48
Sortie le 18 juillet 2012

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