Quand nous sommes revenus sur Rick et Morty pour la sortie de son intégrale, nous avons abordé le tourbillon popculturel dans lequel s’est inscrit la série de Dan Harmon et Justin Roiland. Alors que les retours concernant cette dernière saison semblent plutôt mitigés, il faut bien admettre que l’esprit punk faussement puéril et réellement génial du dessin animé semble avoir atteint un niveau où l’on peut se demander quelles sont les nouvelles limites à dépasser.
En effet, les dix épisodes de cette cinquième saison perpétuent les interrogations métaphysiques de ses personnages sous forme d’outrance vulgaire presque perpétuelle, de la confrontation de Rick face à ses démons continue sur une diversité de fonds allant de la politique américaine (un épisode Thanksgiving plus proche de l’absurde que jamais) à la réappropriation de codes inhérents à la culture populaire (Rickvangelion, entre la série Kaiju et la relecture de codes policiers). La question de l’immaturité de l’œuvre se situe toujours en son sein, telle une auto-remise en question quasi métatextuelle où Dan Harmon et Justin Roiland réfléchissent à la portée nihiliste de Rick Sanchez, aussi bien sur ses proches que sur les spectateur·ices croyant y voir un modèle sain. La toxicité revient aussi constamment, notamment dans les relations, avec une certaine intelligence de propos qui permet de mieux souligner les failles béantes des protagonistes.

L’absence de sens revient constamment, avec une émotivité toujours présente mais constamment surprenante quand elle met ses protagonistes dos au mur. Si la barre du trop loin se voit repoussée en permanence avec peut-être un doute sur son besoin (le bébé géant incestueux), il en ressort une amertume permanente qui confère au délire spatial et visuel (toujours aussi travaillé) une consistance plus sensible qu’en apparence. La blague la plus graveleuse et le non-sens humoristique sanguinolent ne savent annihiler la portée émotive d’une série toujours aussi riche dans sa puérilité de façade. S’il est réjouissant de voir une parodie de Captain Planet à l’ère moderne, ce plaisir devient tristesse quand la figure se voit retirée de sa positivité de façade et tomber dans l’extrême. La question du double a beau aller vers une direction insensée, c’est sa manière de traiter d’une fin qui apporte un aspect surprenamment touchant.
Se concluant dans une forme de fausse fin, cette cinquième salve de Rick et Morty rappelle le talent constant de Dan Harmon et Justin Roiland pour concilier humour gras, intelligence réflexive, ironie plus corrosive que jamais et sens de la poésie affective dans un bouillonnement permanent de sentiments contradictoires. Peut-être est-ce l’âge de la raison qui arrive alors pour les deux auteurs, assumant leur délire et leur propos remplis de doutes dans une création télévisuelle absolument dantesque par tout ce qui s’y véhicule aussi violemment que mélancoliquement.
Rick et Morty, par Dan Harmon et Justin Roiland. Avec les voix de Justin Roiland, Chris Parnell, Spencer Grammer…
Saison 5 disponible depuis le 8 décembre 2021