Le torture porn, sous-genre de l’horreur qui trouve son point culminant dans les années 2000 est un objet bien étrange. Le goût pour le malaise, les cris, le plaisir de la souffrance, du sang, de laisser un faux espoir de liberté à une victime à l’agonie. La saga Saw, à la renommée mondiale auprès du public, en est la vitrine principale. Depuis 2005, elle aura utilisé tous les pièges possibles et imaginables pour martyriser un paquet d’acteur·ice·s de DTV, et liquéfier des esprits devant l’écran. Une qualité douteuse, qui tombe de plus en plus bas au fil des épisodes et patauge dans la crétinerie impériale. Après une tentative de prequel-reboot-mongoloïde avec Jigsaw, Spirale est présenté comme un spin-off, qui vient tenter de remettre un coup de projecteur sur un univers éteint. Un renouveau ou une continuité bien tâche ?
Il y avait bien un problème dès le départ. Présenter un spin off avec accolé à son titre « l’héritage de Saw » montre bien le peu d’ambition de réinventer quoi que ce soit ou de créer une identité propre. C’est l’impossibilité de se détacher du succès antérieur. Spirale se conjugue dans le même espace que le père fondateur, des années plus tard et en reprend tous les codes. La scène d’ouverture propose un premier piège, et la langue bien pendue percutée par un métro. Dans l’idée il y a bien des changements, histoire de brouiller les pistes et faire croire qu’une équipe a un petit peu bossé sur le projet. Le gore et les giclées de sang sont maquillé·e·s sous une ambiance qui prend des airs de Seven aux fraises. Avec un duo bien moins palpitant et charismatique. Une enquête et une incursion dans le passé du héros, déroulée par des flics qui se prennent des indices de plein fouet sans rien chercher, ou fatigués d’être menés en bourrique par plus malin. Ils ne sont même pas très surpris de voir un imitateur du bon John Kramer, comme s’il était normal d’assister à la naissance d’un·e nouveau/velle détraqué·e.

Pourtant le public peut croire à la renaissance d’un univers, au vu des premières images marketing du film et la présence de Chris Rock et Samuel L Jackson en têtes d’affiches. Une volonté d’anoblir et de sortir des chemins bouseux, une matière mal considérée. Envisager que des artistes connus ont accepté de se mettre en scène par pur amour du jeu et de carrière dans ce qui ressemble fortement à une usine à cash. Si le premier est bien remarqué, le second ne demeure qu’une banale étiquette chargée de piéger le spectateur, et lui faire penser à un gage de qualité. Montre en main, un temps d’antenne de quasi 10 minutes, conscient que la fin du mois se fait dure, et qu’il faut remplir le frigo de quelques pavés de saumons avec un bon chèque signé.
Quand le comique te contamine, il refait toujours surface à un moment donné. Chris Rock, également producteur, s’érige en grand enquêteur caractériel et ne peut s’empêcher d’envoyer quelques vannes lourdingues. 1h30 de rôle dramatique et premier degré bien trop long avec une mono expression faciale, ses dialogues sont saupoudrés d’échanges inutiles, et invraisemblables. Lorsqu’il s’agit de caractériser aux alentours d’une discussion le personnage de Forrest Gump, ou encore de décrire l’infidélité de son ex-femme.

Spirale n’est ni un thriller, ni un film policier, ni un film gore. Constamment le derrière entre plusieurs chaises, il ne sait jamais où se poser pour s’assumer. On picore un petit peu d’un côté, puis de l’autre en restant assez sage pour ne pas se catégoriser. Les jeux sadiques sont maigres, simplistes et expédiés en quelques secondes par la caméra d’un mauvais contrefacteur de Tony Scott. Accélération, montage cuté, zoom saccadé, découpage discutable, musique assourdissante, Darren Lynn Bousman est incapable de proposer quoi que ce soit d’attrayant à l’écran. Déjà présent sur trois volets de la franchise, il témoigne encore une fois d’un manque total de talent, d’idées et de maîtrise de son sujet. Une impression qu’il est lui-même étranger de son action et qu’on ne lui a laissé aucune opportunité de s’amuser. Si le scénario n’a comme intérêt que d’arriver au twist final et à l’identité du tueur masqué, il développe une intrigue en roue libre et suffisamment mal pensée et amenée pour qu’on puisse découvrir la finalité sans trop se creuser les méninges.
Il ne manquerait plus qu’un sous-texte, un éclair qui ferait penser que Spirale est un film « intelligent ». L’idée de bons et mauvais flics, qui parmi les mauvais sont vraiment très mauvais. Et les bon·ne·s sont en fait aussi mauvais·es parce qu’iels couvrent les mauvais·es dans leurs d’agissements et ont peur des conséquences. Alors pour les punir, et parce qu’iels ont été violents, ont tué, il faut les torturer et être vilain·e en retour. Un copycat tueur·se de flicard·e·s par pure vengeance, qui les fait souffrir jusqu’à ce qu’iels ne soient plus. Coller aux temps modernes, aux agissements de la police et la violence qui gangrène la société, avec la grâce d’une hyène en maillot de bain une pièce dans un concours de natation synchronisée.

Spirale se pose non comme un spin-off original, mais comme une simple continuité sans cruauté sympathique d’une saga essorée, vidée de toute substance et qui n’a plus rien à proposer. 17 ans plus tard, les enjeux sont toujours les mêmes, le mécanisme rouillé piégeux ne tourne plus, et le cirque grotesque du porno gore n’a d’intérêt que taper un auto-plaisir pervers de studios. Lorsque la fin se stoppe brutalement et que le générique démarre, une suite se sent obligatoire. Un Spirale 2 puis un Saw 9, un Spirale 3 puis un Saw X. Au secours, le piège est sans fin.
Spirale, l’héritage de Saw de Darren Lynn Bousman. Avec, Chris Rock, Samuel L. Jackson, Max Minghella… 1h33. Sortie le 21 juillet 2021.