Nommé à la dernière édition des Oscars, The Letter Room est le troisième court-métrage de la réalisatrice danoise Elvira Lind. Il raconte l’histoire d’un gardien de prison nommé Richard et incarné par Oscar Isaac qui se voit transféré au Département chargé de gérer le courrier envoyé aux détenus dans le couloir de la mort. Très vite, il développe une fascination malsaine pour les lettres qu’une jeune femme nommée Rosita envoie à son petit ami emprisonné depuis plus de 7 ans dans le couloir de la mort.
À travers l’histoire finalement assez banale de ce gardien de prison, Elvira Lind aborde la solitude sous toutes ses formes. Richard est seul, que ce soit au travail où sa seule compagnie est l’ordinateur qui lui permet de lire les lettres des détenus, ou chez lui, où il n’a que son chien. On sent à quel point cet isolement le pèse et les lettres de Rosita deviennent une échappatoire pour lui. Elles sont très intimes, mélancoliques, presque poétiques dans leur forme. C’est en les lisant que Richard perd pied avec la réalité. Il veut croire qu’un amour comme celui décrit par Rosita existe et commence à changer avec ses collègues et les détenus. Il développer même de la jalousie pour le détenu à qui les lettres sont destinées car ce dernier n’y répond jamais, ce qui le dépasse : pourquoi un homme choisirait-il volontairement de rester dans la solitude lorsqu’un amour comme celui-ci lui est offert ?
Cette isolement s’exprime dans la réalisation. La caméra se balade avec Richard dans la prison, toujours avec des plans très serrés et fixés sur le gardien. Les détenus sont rarement présentés autrement que derrière des barreaux où l’on aperçoit à peine leurs visages, symbole de la déshumanisation dans le milieu carcéral américain. Car si le/la spectateur·ice est parfaitement conscient·e que ces hommes ont commis des actes mauvais, Elvira Lind prend ici le parti de ne pas les diaboliser pour autant. Elle montre leur côté humain en les représentant en train de fêter l’anniversaire d’un détenu ou souriant après la réception de lettres venant de leurs proches. Cet aspect enrichit également le personnage de Richard qui se dessine comme une personne profondément humaine mais désintéressée qui accomplit des bonnes actions sans pour autant attendre quelque chose en retour. Tout cela contribue à la complexité de sa personnalité dont la solitude devient trop forte pour qu’il continue à écouter son bon sens. Ces moments où il se perd dans son monde sont caractérisés par la musique, composée de bruits de tambours sans aucun accord symphonique, comme pour représenter la confusion qui imprègne son esprit.

Si tous les acteur·ice·s secondaires incarnent très bien leur personnages, c’est la performance d’Oscar Isaac qui ressort le plus des 33 minutes. L’acteur ne possède pas beaucoup de dialogues et mise énormément sur son regard et ses expressions, surtout lors de la lecture des lettres de Rosita. Il incarne à la perfection la personnalité complexe du gardien de prison, à la fois impulsif et réfléchi, docile et réfractaire, mais finalement toujours aussi seul.
The Letter Room s’impose comme un court-métrage maîtrisé de bout en bout et dont tous les aspects accompagnent le propos principal qu’Elvira Lind veut mettre en scène. L’histoire aurait très bien pu tenir plus longtemps mais le format accompagne assez bien la situation dans laquelle se trouve le personnage principal et qui, le temps de quelques lettres, a pu sortir de sa solitude. Un bon moyen de voir l’étendue du jeu d’Oscar Isaac avant de le retrouver en duc Léto dans le ô combien attendu Dune de Denis Villeneuve d’ici quelques semaines.
The Letter Room d’Elvira Lind. Avec Oscar Isaac, Alia Shawkat, John Douglas Thompson… 0h33
Sorti le 9 novembre 2020