Rick et Morty fait partie de ces séries qui ont su intégrer rapidement la culture populaire à travers la planète, au point que le culte l’entourant a pu jouer en défaveur de la qualité réelle de la série. Ainsi, certain·e·s se souviennent des ruées dans les McDonald’s pour goûter la sauce szechuan remise en avant par l’un des épisodes, le délire autour de Pickle Rick et la mention surabondante de certaines blagues à la manière d’autres séries du genre, poussant à une overdose totale. Malheureusement, cette perception amenée par une part de fandom surexcitée et surexcitable ne fait qu’enfermer Rick et Morty dans une imagerie faussée et immature alors même que la série se révèle bien plus intelligente qu’il n’y paraît, derrière son cynisme apparent et son aspect over the top. Cette sortie d’une intégrale de ses quatre saisons devrait permettre de remettre en question cette image et mieux constater ses thématiques et diverses réflexions.
Partant d’un décalque de Retour vers le futur par sa relation entre ses deux personnages principaux, Rick et Morty a su se démarquer directement par son univers exagéré, jouant de multiples univers avec une aisance qui ressort dans chaque épisode. Si certains de ceux-ci vont extrêmement loin dans le développement de leur monde, il y a une certaine équivalence qualitative dans l’écriture de la série qui mérite d’être soulignée. Derrière ses apparences vulgaires souvent mises en avant, le travail scénaristique profite du concept assez large pour développer aussi bien ses personnages que ses histoires. On peut ressortir certains épisodes par la manière dont ils poussent leurs idées dans leurs retranchements, tels ces parasites qui surgissent de bons souvenirs ou bien ces moments de mémoire effacés, tout en profitant d’un point de vue global qui permet de mieux faire avancer les protagonistes. À l’instar d’American Horror Story, c’est d’ailleurs quand la série se développe émotionnellement loin de son aspect grinçant que se trouvent les moments les plus étonnamment réussis.

Derrière un humour surexcité et par moments un poil lourd, Rick et Morty sait traiter les doutes de ses personnages par le biais de relectures philosophiques avec des réflexions politiques et religieuses bien plus réfléchies qu’en apparence. Il suffit de voir la folie des réactions lors d’apparitions de têtes géantes pour se rappeler l’absence de contrôle dont peut faire preuve l’être humain face à n’importe quelle menace. Il ressort très souvent une forme d’amertume dans les différentes salves composant ces quatre saisons, une forme de regret animant chaque protagoniste au point d’en consister leur caractéristique émotionnelle principale : la déception de ne pas être la personne que l’on aurait souhaité·e devenir. Cet enjeu, simple d’apparence, trouve ici une forme d’universalité qui touche encore plus par le biais de cet aspect enflammé dans l’humour, avec une énergie d’animation qui rend certains épisodes spectaculaires.
Il s’en trouve donc une certaine ambivalence entre l’immaturité d’apparence et la maturité de fond, ce qui participe donc à diviser encore plus le camp des fans et des haters de Rick et Morty. On peut apprécier le traitement de certaines idées narratives, tel cet épisode à la American Nightmare parvenant à mieux aborder les possibilités derrière en 20 minutes que la licence en cinq films. Il y a également moyen d’apprécier le style effronté au premier degré mais c’est en creusant encore plus derrière les intentions des épisodes que se trouvent les réelles richesses de Rick et Morty. À l’instar de Rick Sanchez, son côté « rien à foutre » n’est qu’une façade fragile, présente pour faire comme si son humour facile et méta n’était que sa seule consistance alors que celle-ci, bien que présente, sert souvent à mieux mettre en avant les appréhensions de ses protagonistes, dans un équilibre assez précaire mais toujours maîtrisé, entre délire interdimensionnel proche du puéril et drame intime explosant par les proportions de ses récits.

Que la sortie de cette intégrale des quatre saisons de Rick et Morty chez Warner permette d’exploser encore plus les perceptions entourant la série, moins facile que des « Simpson » vieillissants par leur traitement ou sans tomber dans les travers d’un « South Park » devenu politiquement abscons. Accompagnée de bonus passionnants pour tout fan, cette édition se révèle qualitative à souhait, à l’image même de la série. Il serait donc temps d’arrêter d’enfermer Rick et Morty dans des catégories alors même que le propos de la série d’animation cherche à les faire exploser et assumer pourquoi on aime autant les aventures de Rick Sanchez et son petit-fils Morty : par la manière dont sa fausse immaturité visuelle et narrative proche du nihilisme dégage une désespérance émotionnelle des plus humanistes, sachant quand être drôle jusqu’au point de non-retour et quand révéler pleinement ses intentions thématiques.
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