Déjà remarqué avec l’intéressant Vivarium, sa critique du rêve propriétaire et de la bulle immobilière, le duo Lorcan Finnegan et Garret Shanley revient avec The Nocebo Effect, un thriller psychologique aux élans surnaturels prenant pour cible la Fast fashion et l’exploitation de la main d’œuvre étrangère pour satisfaire une société de consommation avide de production à bas coût. Un nouveau tour de piste dans le consumérisme galopant de nos sociétés porté par les excellents Eva Green, Chai Fonacier et Mark Strong.
Christine, designeuse de mode pour enfant, a une vie bien remplie. Elle partage ses journées entre sa famille – Félix son mari et Bobs sa fille – et son travail qu’elle tente de relancer après le succès de sa dernière collection basée sur ses voyages en Asie. En proie à ce qu’elle identifie comme un burn-out, elle développe des symptômes allant des tremblements aux trous de mémoires. C’est à la suite d’une de ces amnésies qu’elle apprend avoir engagée Diana, domestique philippine adepte de médecine traditionnelle et se disant capable de la guérir.

L’effet Nocebo est le pendant opposé à l’effet placebo selon lequel une personne saine peut ressentir des effets néfastes lors de la prise d’une substance alors même que cette dernière n’a en réalité aucune action réelle sur l’organisme. Donnant son titre au métrage, cet effet se matérialise à la fois dans la situation de Christine qui développe des symptômes d’un mal dont elle n’est pas la cible, mais la responsable, mais également dans la métaphore travaillée dans la relation avec sa fille Bobs. L’occasion idéale pour Eva Green de montrer – une fois encore – son talent pour interpréter les personnages iridescents vacillant du contrôle extrême et froid à la démence fiévreuse.
La liste des thrillers psychologiques voyant des familles heureuses troublées par une tierce personne s’invitant en leur sein – souvent par le biais de l’enfant – avec des motivations plus ou moins néfastes est longue. On pense notamment aux récents Inexorable de Fabrice Du Welz ou à Nanny de Nikyatu Jusu. Diana ne fait pas exception à la règle dans le rôle de la domestique chargée de tenir la maison et de s’occuper de Bobs. Dès son apparition, une ombre plane sur ses motivations, mais le doute n’est pas permis quant à ses intentions de nuire à Christine. Une absence d’ambiguïté qui a le mérite de ne pas contribuer à user le ressort – trop classique – du questionnement sur la véritable nature de “l’invitée” et de la fiabilité psychologique du personnage-cible. Une relation de dépendance bien installée par les interprétations du duo Green/Fonacier révélant juste ce qu’il faut d’inquiétant et de mysticisme.

Toutefois, le véritable sujet de The Nocebo Effect n’est pas cette incursion vénéneuse dans une gentille famille et s’avère beaucoup plus social et politique. Au détour de ce récit, Lorcan Finnegan et Garret Shanley nous parlent de nos habitudes de consommation et d’un conflit générationnel naissant. Christine est un rouage de la Fast Fashion, cette industrie qui sous-traite la création des vêtements que nous portons loin de nos pays et de la protection que nous accordons à nos travailleurs. C’est par ce mode de pensée que le couple invite le mal sous son toit. Au carrefour entre ce siècle et le précédent, nos sociétés acceptent de consommer toujours plus de produits à des prix de moins en moins chers sans même nous questionner sur les raisons de cette superproduction et de ses prix sacrifiés. Christine ne s’interroge pas plus sur la réelle apparition de Diana dans sa vie et sur le prix de cette consommation aveugle de sa “médecine”.
Un mode de pensée qui tiraille Bobs, la fille du couple qui – à l’instar d’une certaine part des nouvelles générations – rejette instinctivement ces pratiques et se questionne sur ce que cache l’image idyllique. Un rejet aussi présent dans le personnage de Félix qui, s’il accepte de céder à cet engrenage, n’est pas dupe de la réalité et essaye bien trop tard, et bien trop inefficacement de renverser une situation qu’il ne domine plus. Un aspect politique et social du métrage qui se parachève dans un avertissement sur ce qui nous attend si nous nous laissons séduire par les sirènes du plus rapide, plus facile, moins éthique et qui a le mérite de rompre tout manichéisme absurde sur son sujet.

The Nocebo Effect s’inscrit dans une mouvance classique et très actuelle bien qu’il se démarque par une réelle intention politique et sociale plus que bienvenue. Si, comme toute chose, il est perfectible et que l’exploitation – encore – de la culture et médecine traditionnelles étrangères pour créer un mal mystique et insidieux nous fait gentiment soupirer, il est la confirmation de l’intérêt déjà suscité par Lorcan Finnegan et Garret Shanley que l’on garde à l’œil pour leurs projets futurs que l’on espère nombreux et sur grands écrans dans l’hexagone.
The Nocebo Effect de Lorcan Finnegan, par Garret Shanley, avec Eva Green, Chai Fonacier, Mark Strong, Billie Gadsdon… 1h36
Sortie en VOD et DVD le 8 mars 2023